Les losers célestes – Second long métrage de Bouli Lanners, Eldorado arpente les chemins de traverse de l’existence en compagnie de deux naufragés magnifiques.

De et avec Bouli Lanners. Avec Fabrice Adde, Philippe Nahon, Didier Toupy. 1 h 18. Distributeur: Melimedias.L’une des excellentes surprises de l’année écoulée. Plébiscité à Cannes avant d’être primé sous diverses latitudes, Eldorado voyait Bouli Lanners s’essayer à un genre improbable: le road-movie wallon ou encore, autrement formulé, le western des plats pays. Soit l’histoire de deux losers magnifiques, un vendeur de voitures vintage, Yvan (Lanners lui-même), et son voleur d’un soir, Didier (Fabrice Adde), toxicomane à l’affût de quelques pièces de monnaie. Le cambriolage est rocambolesque, son dénouement ne le sera pas moins, qui voit les deux compères vaguement sympathiser, avant d’embarquer à bord du break Chevrolet 1979 d’Yvan, direction la frontière française, où vivent les parents de Didier.

L’épopée routière s’annonce peu banale; une autre histoire commence en effet à s’écrire sous le ciel bas de Wallonie. Les rencontres incongrues se multiplient bientôt, du collectionneur fétichiste (Philippe Nahon) alignant les bagnoles portant les stigmates d’accidents ayant entraîné mort d’homme, à un Alain Delon de camping (Didier Toupy), sans même parler d’un doberman parachuté d’un pont, et on en passe. Le tout, agrémenté de considérations philosophico-farfelues, et autres digressions ne faisant pas moins discrètement sens – ce n’est pas pour rien que les chemins de traverse sont régulièrement les plus beaux…

Solitaires solidaires

De détours insolites en moments en apparence fortuits, d’instants d’une profonde drôlerie en temps de suspension, Bouli Lanners déroule le fil sensible d’une curieuse équipée, errance en dérapage contrôlé de deux individus tentant de recoller les morceaux d’une existence qui leur échappe. Solitaires devenus solidaires, en quête, éventuellement, d’un hypothétique Eldorado, mais pas à n’importe quel prix pour autant…

Posant, l’air de rien, un regard aiguisé sur le monde, le réalisateur lui substitue un horizon traversé d’humanité et de générosité. Si son film – son second comme réalisateur, quatre ans après Ultranova – évoque une Amérique de celluloïd, tant par ses contours musicaux que par sa lumière ou l’usage du cinémascope, il n’en reste pas moins ancré dans l’intimité d’une réalité proche. Et réussit, en toute modestie, à puiser dans l’apparemment accessoire, matière à l’essentiel – l’écriture d’un rapport au monde réévalué vers l’humain, sans verser pour autant dans la naïveté.

Autant dire que l’on ne se lasse pas de revoir ces deux losers célestes dans leur bordée rock’n’roll, ni d’ailleurs de redécouvrir un univers aussi personnel que chaleureux – ainsi va le cinéma de Bouli Lanners, invitation à un stimulant voyage, au gré d’un Macadam à deux voies.

Jean-François Pluijgers

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