Derrière ses allures de gentil sorcier et de savant fou mélomane végétarien fumeur de pipe qui revendique ne posséder ni TV, ni GSM, iPod, Mac ou autre… permis de conduire, le professeur de musique, compositeur et créateur d’instruments gantois Godfried-Willem Raes cache une pointure qui a construit un orchestre d’une soixantaine de robots musicaux professionnels (le Man & Machine Robot Orchestra) et fabriqué deux drôles de bêtes pour Aphex Twin. « Dans les années 60 -je dirais même plus en 1968-, je me suis dit qu’il n’était pas normal de se servir encore d’instruments du XIXe siècle. Qu’il fallait en créer de nouveaux, plus aptes à répondre à nos besoins créatifs. J’ai designé des synthétiseurs et travaillé à l’automatisation de sons électroniques. Mais après dix ans, nous perdions contact avec le public, privés des outils rhétoriques de la musique et minés par la dissociation entre l’action et le son. Pour comprendre la musique, il faut comprendre le phénomène qui la produit. Or, l’électronique est un monde virtuel et on ne peut pas se figurer grand-chose en regardant des haut-parleurs ou des mecs appuyer sur des boutons. »

Alors, dès 1980, Raes s’est mis en tête de contrôler des sonorités acoustiques. Il ne veut même plus entendre parler d’amplification. « Je ne suis pas un grand lecteur de science-fiction. Elle s’oppose trop souvent à la technologie qu’elle décrit comme diabolique. Moi, je suis passionné et enthousiaste. Il n’y a rien d’aussi humain que des robots. Ils sont quelque part nos enfants. Mais des enfants d’une virtuosité et d’une précision inégalable par l’homme. »

Les rejetons du Gantois, passionné par les relations entre l’homme et la machine, interagissent la plupart du temps avec des danseurs pour ses productions. « Ces derniers les actionnent par le mouvement grâce à un dispositif sans fil -en gros un système de radar. Les robots chez moi ne sont pas des androïdes. Ils sont des extensions des possibilités humaines. Une espèce de prolongement physique du musicien.  »

Raes en a fabriqué deux tout spécialement pour Richard D. James, alias Aphex Twin. « Il m’a contacté parce qu’il cherchait des machines extrêmement précises. Il était mécontent de ses automates. L’automatisation commerciale est d’une grande imprécision. Elle est là pour remplacer les musiciens et donc les imiter. Nos pianos ont 84 doigts qu’on peut diriger en même temps. Après de longues discussions -j’avais déjà eu d’autres demandes que j’avais déclinées-, il m’a convaincu de lui construire un robot. Il en voulait un qu’il puisse utiliser pour n’importe quoi, mais la machine universelle n’existe pas. J’en ai conçue une plus grande qu’un homme, qui pèse 200 kilos et permet des percussions sur pratiquement tout support. »

L’artiste britannique lui a d’ailleurs encore fait parvenir une caisse claire à automatiser cette année. « Il y a des enthousiastes et des réfractaires. Certains ont même mis en danger ma position au conservatoire. Mais j’ai de bons avocats. Puis, ça fait réfléchir et m’aide à expliciter ma démarche… » Une démarche du futur? « Je ne sais pas lire dans les boules de cristal mais c’est forcément un aspect de l’avenir. La musique ne peut pas échapper à l’automatisation. Cette dernière est présente dans tous les domaines de l’activité physique et humaine. Et il y a quelque chose de médiéval là-dedans. Parce que l’homme a ses limites et qu’il ne sera jamais biologiquement bien meilleur qu’aujourd’hui. »

LE 11/10 AU CONCERTGEBOUW À BRUGES, LE 18/11 AU CENTRE DE LA MARIONNETTE DE TOURNAI…

J.B.

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