Retour d’enfer – DJ Hell revient avec un double album. Entre Night and Day, Detroit et Düsseldorf, techno qui bastonne et rêveries cosmiques. Un coup de maître.

« Teufelswerk »

Distribué par International Dee Jay Gigolo Recors/NEWS. En concert le 20/07, aux Ten Days Off, à Gand.

Depuis quelques semaines, le buzz enflait au sein de la planète techno: avec son nouvel album, DJ Hell allait frapper un grand coup. Vraiment? Depuis quelques années, Helmut Josef Geier de son vrai nom (Munich, 1962) s’était pourtant fait relativement discret. Un comble pour ce DJ superstar, un poil dandy, un poil crâneur. Le bonhomme a bien continué à sortir des mix et à faire tourner gentiment son label International Dee- Jay Gigolo – lancé en 96, il avait fait beaucoup pour l’électroclash, mélangeant électro et esthétique punk. Mais pour le reste…

Le voilà qui publie pourtant aujourd’hui ses grands travaux: Teufelswerk, « l’£uvre du diable ». Pour l’accomplir, DJ Hell s’est fait aider par Peter Kruder, autre éminence électronique d’outre-Rhin. En comptant sur l’assistance de Christian Prommer et Roberto Di Gioia, tous les deux fins musiciens, le quatuor était complet pour cette descente aux enfers.

Il fallait bien ça. Teufelswerk est en effet réparti sur deux CD, Night et Day. On ne sera pas surpris de voir le volet nocturne de ce diptyque tourner autour de la piste de danse. Il débute très fort avec U Can Dance: roulement discoïde sur beat martial, il est emballé par la voix du toujours élégant Bryan Ferry (bizarrement seulement crédité en backing vocals…). Encore plus surprenant: sur The DJ, c’est P. Diddy, artisto(card) hip hop, qui tient le crachoir. Mais la pièce de résistance de cette première rondelle est The Disaster, qui livre 10 minutes d’une techno sombre et grésillante. Detroit et Chicago, berceaux de la musique électronique, ne sont jamais loin. Mais c’est pour mieux montrer ce qu’elles doivent au bassin « sidérurgique » allemand. Avec une voix à la Kraftwerk, passée au vocoder, Electronic Germany énonce ainsi les villes qui ont compté: « München, Frankfurt, Berlin, Düsseldorf. »

Cosmic trip

L’hommage est encore plus évident sur le deuxième CD, Day. DJ Hell se replonge ici dans les racines de la musique électronique teutonne. Y compris celles qui ont puisé dans le krautrock ou le space rock des années 70 (est repris ici Silver Machine, un titre de Hawkwind, fameux groupe de zozos célestes, parmi lequel Lemmy fera un séjour avant de s’en aller former Motörhead).

Un disque de kosmische musik? On en voit déjà certains qui s’étranglent. Les curieux seront pourtant récompensés. Notamment par une magnifique fresque comme The Angst. Un périple aérien de près d’un quart d’heure qui donne longtemps la priorité à une guitare acoustique, avant que celle-ci ne rende les armes aux bidouillages synthétiques.

Au final, Teufelswerk a beau être un disque ambitieux, il n’entend rien révolutionner. D’ailleurs, signe des temps, l’album est moins remarquable par ce qu’il invente que par ce qu’il synthétise. En deux disques, DJ Hell parvient ainsi à livrer un résumé de la scène techno actuelle, tout en la reliant à son passé. Une manière de montrer que la modernité ne date pas d’hier…

Bien sûr, le personnage de DJ Hell reste toujours un peu suspect, entre panache et coup d’esbroufe. Il y a cependant bien un moment où il faut laisser parler la musique et se rallier à ce qu’elle a à dire. Notamment qu’elle peut être encore une chose importante, et ne pas se résumer au temps de téléchargement qu’il lui faut pour passer d’ordinateur en ordinateur…

L.H.

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