Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

DE MARKTEN SE PENCHE SUR LA GÉORGIE À TRAVERS LES oeUVRES DE FILIP BERTE ET DE KAKHA KAKHIANI. REGARDS CROISÉS SUR UNE IDENTITÉ FRAGILE.

From Georgia. With Love?

FILIP BERTE ET KAKHA KAHIANI, DE MARKTEN, 5, RUE DU VIEUX MARCHÉ AUX GRAINS, À 1000 BRUXELLES. DU 22/02 AU 23/03.

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C’est l’une de ces régions du globe où le monde ressemble à un échiquier. Gare où l’on pose le pied. Le Caucase, auquel appartient la Géorgie, est ce lieu géopolitiquement crucial coincé entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, pris en étau par la Fédération de Russie et le monde turc, écrasé par les sommets des chaînes de montagnes qui se trouvent au nord et au sud, partagé en sept républiques appartenant à la Fédération de Russie et trois Etats indépendants. Une vraie zone tampon, floue comme il se doit, où les identités sont multiples: une centaine de langues et dialectes, pas mal de religions -du judaïsme au bouddhisme- et des peuples à gogo. Cette diversité génère des questions et, pour le grand malheur des docteurs ès généralisations abusives, se montre pour le moins réticente aux étiquettes. Pour les uns, c’est la ligne de front fantasmée du choc des civilisations; pour les autres, c’est le lieu d’un combat entre la lumière de l’Occident et l’obscurité de l’héritage russe. Heureusement, d’autres regards sont portés sur cette frontière composite entre l’Europe et l’Asie. Parmi ceux-ci, il faut compter désormais avec celui de Filip Berte, Gantois né en 1976. Formé à la fois comme architecte et peintre, Berte déploie un travail d’artiste plasticien qui lui permet d’aborder librement des pans complexes de la réalité à l’instar de la situation d’un pays comme la Géorgie. A la demande de « deBuren », la maison flamando-néerlandaise, et dans le cadre du projet pluriannuel The Caucasus: From Sea to Sea, Filip Berte s’est rendu à Tbilissi pour réaliser une série de 24 photos et dessins que l’on peut découvrir sur l’excellent site Citybooks.eu.

Marges européennes

Le travail en noir et blanc opéré par Berte à Tbilissi s’inscrit dans un contexte plus large, celui de la Maison d’Eutopia, une installation structurée à la manière d’une maison de cinq chambres, dans laquelle l’artiste entend « examiner et dévoiler les marges sociales, politiques, géographiques, et historiques de l’Europe« . En ce sens, la Géorgie s’intègre parfaitement au projet, coincée qu’elle est entre son dur désir d’appartenir à l’Union européenne -« le rapprochement avec l’Europe est irréversible et la seule voie possible« , déclarait il y a peu son Premier Ministre Irakli Garibashvili- et l’ombre tutélaire du géant russe. Les photos et les dessins de Filip Berte font partie de l’installation évoquée à la faveur d’une chambre intitulée The Graveyard se penchant sur les groupes socialement fragilisés de la société actuelle. Ce travail visuel est complété par une autre série d’images autour du port de Batoumi, périmètre urbain situé, lui aussi, à un croisement stratégique: la destruction du patrimoine historique et l’ambition de faire de la ville un pôle touristique attractif. Qu’il s’agisse de prises de vue ou de dessins, ce qui frappe c’est l’absence d’êtres humains, disparus au profit de barres d’immeubles jalonnant l’espace sans états d’âme. A celles-ci répondent les photographies du jeune photographe géorgien Kakha Kakhiani. L’utilisation de la couleur y apparaît presque comme l’ajout d’une dimension supplémentaire à ce qui est montré. En ce sens, le travail plus réflexif de Berte s’affiche comme celui d’un « hors-venu », auquel répond l’intimisme bouleversant d’un insider, pour composer un passionnant diptyque des confins.

PLUSIEURS ACTIVITÉS AURONT LIEU AUTOUR DE L’EXPOSITION, RENSEIGNEMENTS SUR WWW.DEBUREN.BE

MICHEL VERLINDEN

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