Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

DOCUMENTAIRE D’ALEX STAPLETON.

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« Comment j’ai fait une centaine de films à Hollywood sans jamais perdre un rond? » C’est ainsi que Roger Corman, né le 5 avril 1926 à Detroit dans le Michigan, a intitulé son autobiographie publiée en 1990. Et pour cause. Corman représente à lui tout seul un pan entier du cinéma américain. Il est et restera probablement à jamais le roi des films à petits budgets. Chez Corman, qui trouve obscène de réaliser des longs métrages à 35 millions de dollars, peu importe que ces films soient de bon ou de mauvais goût tant qu’ils ne sont pas chers. On tourne en une semaine, effets spéciaux compris (deux jours et une nuit pour La Petite Boutique des horreurs). On se dispense d’autorisation. On joue un Indien et un cow-boy dans le même film (La Femme Apache). On emprunte des bagnoles à des concessionnaires pour des courses de voitures (The Fast and the Furious). Quand on ne réquisitionne pas le matos de son dentiste pour Dieu sait quelle scène sanguinolente de série B… « Selon lui, on pouvait faire Lawrence d’Arabie pour moins d’un million de dollars sans sortir de la ville », raconte John Sayles dans ce passionnant documentaire d’Alex Stapleton truffé d’interviews et d’anecdotes.

Galvaniser les marginaux

Stakhanoviste -il a produit plus de 400 films et en a réalisé une cinquantaine dont dix rien qu’en 1957-, Corman est à la fois un maître de la série B et le parrain du cinéma indépendant américain. Il a offert son premier rôle, The Cry-Baby Killer, à Jack Nicholson qu’il rencontre en prenant des cours pour savoir ce qu’il se passe à l’autre bout de la caméra. A coproduit avec sa femme le deuxième long métrage (Bertha Boxcar) de Scorsese qui devait dans un premier temps être une suite de Bloody Mama (1970) dans lequel il avait fait jouer De Niro. Et invité un Coppola et un Bogdanovich à remonter et maquiller des films de science-fiction soviétiques pour le marché étasunien…

Après les westerns, les films de science-fiction Ed Woodiens (L’attaque des crabes géants…) et les adaptations d’Edgar Poe, Corman a fait dans la contre-culture. Les Anges Sauvages, samplés par Primal Scream et Mudhoney (« We Want to be free and We want to Get Loaded And We Want to Have a Good Time ») ont galvanisé tous les marginaux, lancé la carrière de Peter Fonda qui partait pour devenir la nouvelle star des films Disney, et avec The Trip, pour lequel Corman a goûté du LSD et demandé à sa femme de prendre des notes, inspiré Easy Rider. Quentin Tarantino serait apparemment prêt à incarner dans The Man With The Kaleidoscope de Joe Dante (Gremlins) ce type bizarre qui faisait des films d’exploitation tout en distribuant Fellini et Bergman. A vos magnétos…

JULIEN BROQUET

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