Delphine et Carole, insoumuses – Amitiés militantes

© DR

Sur un conseil de son ami Jean Genet ( « C’est exactement ce qu’il vous faut pour être une femme libre »), Carole Roussopoulos fut la deuxième personne à se doter d’une caméra vidéo en France après Jean-Luc Godard. Avec son amie la comédienne Delphine Seyrig, la vidéaste valaisanne montée à Paris en 1967 a filmé dans toute son exubérance le Mouvement de libération des femmes. Elle a mis des images et des paroles sur des combats de société et a accompagné les grands mouvements d’émancipation. Tendu son micro à des prostituées lyonnaises retranchées dans une église comme à des mères de militants basques exécutés par le régime franquiste…

À l’époque, Roussopoulos initie les femmes au nouveau média. Seyrig, habituée à jouer sous la direction des hommes, voit dans cet outil moderne un formidable moyen d’expression et participe à l’un de ses stages. La native de Lausanne ne connaît pas l’actrice rendue célèbre par L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais. Elles vont pourtant se lier d’amitié et former un formidable tandem. Elles vont raconter avec humour, irrévérence et véhémence des luttes de femmes et leur consacrer de nombreux documentaires…

Delphine et Carole, insoumuses est un portrait croisé. L’histoire d’une amitié militante, mais aussi celle d’un nouveau moyen d’expression, d’une machine miraculeuse créée pour donner la parole aux sans voix. « À l’époque, les gens directement concernés n’avaient jamais leur mot à dire, explique Roussopoulos. D’autres parlaient toujours à leur place. C’était des spécialistes. Des syndicalistes. Des responsables. Peu importe. Les femmes étaient encore moins représentées que les hommes. Or sur tous les sujets, elles avaient des choses passionnantes à dire et elles n’avaient pas besoin de quelqu’un d’autre pour les exprimer à leur place. »

Si Maso et Miso vont en bateau détourne une émission de télé et un entretien entre Bernard Pivot et Françoise Giroud, alors secrétaire d’État à la condition féminine, Sois belle et tais-toi fait parler des femmes de leur condition au cinéma… Jane Fonda y explique que les producteurs voulaient lui casser la mâchoire et lui refaire ce nez « qui ne pouvait pas être pris au sérieux ». Jack Warner la désirait avec des faux seins. « J’étais un produit du marché et il fallait que je me rendre commerciale parce qu’on allait investir de l’argent sur mon dos. »

En 2009, quelques mois avant sa mort, Roussopoulos avait entamé la fabrication d’un documentaire sur son amie comédienne. Delphine et Carole, insoumuses n’est autre que ce projet inachevé repris en main par ses enfants Alexandra et Géronimo mais aussi surtout sa petite-fille, Callisto, qui le réalise. Extraits de films, images d’archives et interviews (on y croise Duras, Akerman, de Beauvoir)… Ce documentaire est une apologie de la lutte, une incitation à la résistance et un manuel de combat.

Documentaire de Callisto McNulty.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content