Début de siècles

Une comédienne plaque tout, son compagnon et le reste, et saute du train en marche: sans projet, sans rien entreprendre, partir, c’est tout.  » Il ne faut jamais désespérer de notre aptitude à la bravoure. On peut piétiner une vie à tout âge. » Bondissant d’un début de siècle à l’autre, le XXe balbutiant et celui où nous claudiquons, Arnaud Cathrine rassemble une moisson de nouvelles où les désirs s’étreignent à bras-le-corps. Ici, Montparnasse en plein mouvement Dada, une joute verbale ébouriffante entre deux écrivains. Là, les vacances studieuses de Cocteau se débattant avec son amour pour Radiguet, dardant des regards furieux ou se battant froid. Aujourd’hui, égaré dans le sud pour promener ses chutes d’humeur, un écrivain s’éprend d’une femme mûre, soulagée d’avoir renoncé à la passion amoureuse.  » Peut-être que vous aussi vous connaîtrez cette tranquillité d’après l’amour. » Cueilli par les métamorphoses du style, foisonnant et charnu, le lecteur savoure l’impatience qui aiguillonne ces personnages, saisis en un moment de bascule intime. Quel courage de se promener sans but, ne plus être dupe de soi!  » La vie qu’on nous a faite n’est pas taillée pour ça, donc les mots manquent. » Pas chez Cathrine, qui fait feu de tout bois sur l’économie du couple et des mots, sur le plaisir dont on se  » déprend aussi vite qu’on s’y est vautré« , fait fi de vies à cent sous de l’heure, où on ne s’appartient plus, parce qu’on s’est laissé dévorer. Avec une belle unité de ton, un recueil de lignes de vies libérées, où la littérature chavire dans une merveille d’équilibre.

D’Arnaud Cathrine, éditions Verticales, 320 pages.

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