INVITÉ DU FESTIVAL, LE CINÉASTE AMÉRICAIN Y A DONNÉ UNE PASSIONNANTE MASTERCLASS. L’OCCASION DE BALAYER L’ENSEMBLE DE SA FILMOGRAPHIE ET D’ÉVOQUER SES PROJETS…

C’est devenu une bonne habitude: le festival de Marrakech propose, chaque année, des leçons de cinéma qui voient des cinéastes de renom venir, dans un souci de transmission, évoquer leur expérience devant un parterre bien garni d’étudiants et de cinéphiles. Après Francis Ford Coppola, les frères Dardenne, Lee Chang-Dong ou Jean-Jacques Annaud lors des précédentes éditions, 2012 aura vu Brillante Mendoza, Matteo Garrone, Jonathan Demme et Darren Aronofsky s’essayer à cet exercice, l’occasion pour ce dernier de passer en revue sa filmographie, en attendant de découvrir son nouveau film, Noah. Instantanés.

LES DÉBUTS. « J’ai grandi au sud de Brooklyn, à la fois très près et très loin de Manhattan. Je n’avais pas idée de ce qu’était un réalisateur. Quand je suis rentré à l’université, j’attendais que la lumière se fasse, et j’ai eu la chance que mon colocataire fasse du cinéma d’animation et m’initie au montage. C’est cela qui m’a vraiment inoculé le virus du cinéma. J’ai revu récemment mon court métrage de fin d’études, Supermarket Sweep, avec Sean Gullette, avec qui j’ai tourné Pi par la suite. Je l’ai digitalisé, et c’est atroce: on ne devrait pas revenir sur ses films antérieurs. « 

PI. « On a beaucoup parlé, à l’époque, du style radical du film, mais il convenait à l’histoire tout en étant dicté aussi par l’étroitesse du budget. Ainsi, par exemple, de l’usage du noir et blanc. Mais aussi du fait de recourir au point de vue subjectif du personnage central, Max, un acteur dont nous savions qu’il serait présent chaque jour. Beaucoup de scènes ont été tournées clandestinement dans les rues et le métro de New York. Un jour où nous tournions dans le métro une scène où le protagoniste trouve un morceau de son cerveau, un policier a débarqué, a jeté un coup d’oeil, et est reparti sans sourciller. J’ai appris ensuite que Woody Allen tournait un peu plus loin. Il a dû croire que nous étions avec lui. « 

REQUIEM FOR A DREAM. « Je suis resté totalement fidèle au livre de Hubert Selby Jr. Il était le maître, et moi le disciple. Ma contribution s’est limitée, pour l’essentiel, au style visuel du film. Le montage du film découle de la musique que j’écoutais à Brooklyn, le hip-hop. C’est là que j’ai repris l’idée du sampling, que j’ai appliquée au cinéma. J’ai opté pour un montage rapide pour pouvoir relier la prise de drogue et ses effets. Curieusement, Requiem for a Dream a été vu comme un film pro et anti-drogue. Pour moi, c’est pourtant clair: c’est un film sur les dangers de toute dépendance. « 

THE FOUNTAIN. « The Fountain n’a pas été bien accepté, même si le résultat correspond à ce que j’avais en tête. Il a toutefois un noyau d’amateurs fervents. Faire un film qui s’interroge sur notre rapport à la mort n’est sans doute pas une très bonne idée en termes commerciaux. « 

THE WRESTLER. « Au moment de travailler avec Mickey Rourke, tout le monde m’avait mis en garde:« C’est un animal, et plus personne n’en a rien à cirer. «  Mais c’est un oiseau blessé dans un corps d’éléphant, et j’ai veillé à montrer la beauté dans la bête. Avec les acteurs, la confiance est le mot-clé. Beaucoup d’entre eux se brûlent et sont réticents à montrer leurs émotions. Il faut instaurer cette confiance, et s’adapter aux besoins de chaque acteur. J’ai écrit ce film en pensant à Mickey Rourke: il y avait une correspondance évidente entre le parcours de ce catcheur et le sien comme acteur, ce qu’il a parfaitement compris.  »

BLACK SWAN. « J’aime l’idée de se sacrifier pour son travail, de créer dans la douleur. On n’arrive pas sans beaucoup de labeur et de lutte. Après, il s’agit surtout d’entrer dans le groove approprié. Quant à la notion de perfection et de contrôle, elle est venue du ballet. S’agissant du cinéma, il y a tellement de manières différentes de tourner des films, en effet. Personnellement, j’ai tendance à me libérer un peu plus à chacun d’entre eux.  »

NOAH. « Dans la Bible, cette histoire ne fait que quelques pages, mais presque tout le monde en a entendu parler. En Occident, on en a souvent l’image réductrice d’un patriarche barbu, et d’animaux montant par paires sur un bateau, mais elle est bien plus riche et a conservé toute sa pertinence. Il m’a semblé intéressant de la présenter au public d’une manière inédite. Russell Crowe était l’un des rares acteurs envisageables: il a la gravité et la crédibilité requises. « 

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À MARRAKECH

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