Mis à l’honneur par un festival à Bruxelles, le court métrage, format de tous les possibles, connaît un nouvel essor grâce à Internet.

Tout le monde a commencé petit. Et en cinéma, pour des générations de réalisateurs, le court métrage a presque toujours précédé le passage au long. De Jean Vigo ( A propos de Nice) à Jaco Van Dormael ( E pericoloso sporgersi) en passant par Roman Polan-ski ( Deux hommes et une armoire), Luis Bunuel ( Un chien andalou), Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro ( Le Bunker de la dernière rafale), Jean-Luc Godard ( Charlotte et son Jules), François Truffaut ( Les Mistons), combien de talents majeurs n’y ont-ils pas fait leurs gammes avant de se faire leur place au soleil?

En Belgique, singulièrement, le court est depuis longtemps un format d’expression à part entière, où se sont révélés, par exemple, des personnalités comme Benoît Mariage ( Le Si-gnaleur), Frédéric Fonteyne ( Bob le déplorable), Bouli Lanners ( Muno) ou la bande de C’est arrivé près de chez vous Poelvoorde-Belvaux-Bonzel ( Pas de C4 pour Daniel Daniel). Bien avant les frères Dardenne, c’est aussi du court que vinrent la première Palme d’Or belge au Festival de Cannes, grâce à Gérald Frydman et à son Cheval de fer, en 1984…

Cependant, ici comme ailleurs, le court se fait plus que rare en salles où on le vit autrefois projeté en avant-programme du « grand » film (1). Bandes-annonces et publicité ont d’abord fait barrage, l’allongement spectaculaire de la durée moyenne des longs métrages et le souci des exploitants de ne pas « perdre » de séance a fini par enterrer une forme de diffusion pourtant valorisante à plus d’un point de vue.

CANAL+, ARTE ET INTERNET

Si le financement de courts métrages ne fait pas vraiment défaut, notamment chez nous via un système de subsides publics attribués par une commission de sélection ad hoc, la question de leur diffusion se posait avec plus d’urgence… jusqu’à ce que les nouvelles technologies offrent des solutions que les chaînes de télévi-sion n’apportaient plus que très sporadiquement. La case court métrage des télés généralistes avait le plus souvent sauté au fil des refontes de grilles à motivation commerciale. Canal +, et dans une moindre mesure Arte, restent, dans le domaine fran-cophone, les seules chaînes à régulièrement programmer du court artistiquement ambitieux. Au festival de Clermont-Ferrand, étape majeure du circuit du court métrage, l’un comme l’autre ont encore récemment révélé des budgets d’achat importants (près d’un million d’euros pour Canal+, plus de 700 000 pour Arte).

Il existe désormais, heureusement, une chaîne intégralement consacrée au court. Initialement lancée à Londres, Shorts TV possède une antenne francophone (http://www.shortstv.fr), et est accessible sur le câble en Belgique via Coditel. Elle émet 24 heures sur 24, et uniquement des courts métrages ou sujets le concernant!

Mais c’est évidemment Internet qui représente bel et bien aujourd’hui le principal vecteur de diffusion du format court. Un site comme www.mouviz.com édite même ses collections en DVD, et lance des concours avec un succès certain. D’autres sites, comme le forum Cinéastes et Cinéma (http://forum.cineastes.com/internet-f8/golden-w-concours-gratuit-de-courts-metrages-amateurs-t618-7.html), organisent aussi des compétitions en ligne. Il existe même des sites consacrés aux films tournés avec… des GSM! Cine Pocket, petit frère du Festival Pocket Films de Beaubourg pionnier du genre, est belge. Un coup d’£il sur www.cinepocket.be vous révélera un nouvel univers d’expression par l’image qui ouvre – même de très embryonnaire et inégale façon – des lendemains imprévus. Le court métrage, sous toutes ses formes et dans tous ses états, n’a pas fini d’étonner!

(1)Un mécanisme d’aide publique favorisant la chose exista même en Belgique, mais sans grand résultat car rapidement détourné de son louable objet par des productions touristiques sans réel intérêt, barrant l’accès des écrans commerciaux au court métrage d’auteur.

TEXTE LOUIS DANVERS