Les sours Deal ont résisté aux excès. Increvables, elles sortent Mountain Battles et signent le grand retour des Breeders.

Si la réunion des Pixies en 2004 n’a rien eu d’une partie de plaisir, si Frank Black tape souvent sur le dos de ses comparses quand il doit justifier l’absence de nouveaux enregistrements, la discorde au sein de ce qui restera l’un des plus grands groupes des années 90 ne date pas d’hier. Quand Tanya Donelly et Kim Deal se rencontrent à Boston en 1988, elles sont toutes deux insatisfaites au sein de leurs groupes respectifs: les Throwing Muses et les Pixies. En 1990, à Dayton, les deux donzelles prennent la tangente et se lancent dans une nouvelle aventure. Naissance des Breeders. Les Eleveurs, traduction française, est le nom donné, en argot, aux hétérosexuels par les homos. De quoi donner le ton. Les paroles de leur premier album Pod sont d’ailleurs plutôt crues. Elles parlent de f£tus et de menstruations.

Et Kelley dans tout ça? Quand les Pixies déposent les armes en 1993, Kim réactive ses Breeders et enrôle sa s£ur jumelle. Jackpot. Porté par l’efficace Cannonball, Last Splash éclipse la carrière solo de Frank Black. Le destin des deux groupes est intimement lié. Le retour des Pixies sur les routes retarde l’arrivée du nouveau Breeders dans les bacs. Cinq ans séparent la sortie de Title TK et celle de Mountain Battles. « Nous sommes un groupe et nous avons besoin de nous retrouver tous ensemble pour enregistrer un disque, explique Kim Deal. Trop d’artistes aujourd’hui sont dirigés par ordinateur. Je ne suis pas snob. Si ça leur va comme ça, tant mieux. En 1999, je voulais enregistrer sur des bandes. On m’a dit: non, je ne fais que du digital. Tout le monde se la pétait avec le numérique et moi je voulais de l’analogique. C’est peut-être ça aussi qui nous a pris du temps. La plupart des musiciens, si tant est qu’on peut encore les appeler ainsi, ne jouent plus aujourd’hui. Ils ont une bibliothèque de sons à la maison. Certains seraient même incapables de t’interpréter leurs morceaux. Des morceaux qui ne sont qu’assemblage. Nous, nous fonctionnons toujours à l’ancienne. »

Les Breeders n’ont pas eu besoin de déclic pour relancer la machine. Elle tourne en permanence. A son rythme.  » Je ne suis pas l’auteur la plus prolifique qui soit. On a déjà commencé à bosser sur les démos de ce disque en 2002. J’ai l’impression qu’on travaille continuellement. Qu’on ne s’arrête jamais. J’ai commencé la guitare à 13 ans. Kelley et moi jouons ensemble depuis l’école secondaire. On ne se dit pas: allez, maintenant, il est temps de bosser sur un nouvel album. S’il te plaît, veux-tu participer à ce nouveau projet? C’est plutôt ainsi que cela fonctionne. Tiens, écoute ce que j’ai trouvé comme refrain. »

Cool as Kim Deal, comme chantaient les Dandy Warhols. « Je pense qu’elle est plus drôle que cool, explique Kelley. Mais je comprends totalement qu’on puisse penser, écrire et chanter pareille chanson. C’est sans doute dû à sa manière d’être. De rester elle-même en toutes circonstances. Kim est l’âme. Le moteur du groupe. Et nous, nous sommes les roues. Peut-être même que je suis l’air conditionné. » Kelley qui, ce n’est peut-être pas un hasard, était condamnée début 1995 à suivre une cure de désintoxication pour éviter 18 mois de prison. Miss Deal avait en effet été arrêtée à l’époque où elle recevait de l’héroïne par courrier.

LED ZEP ET BRITNEY…

Kelley, aujourd’hui, semble beaucoup plus saine et posée que sa s£ur. Nous sommes attablés dans un hôtel bruxellois chic. Kim s’assied sur le sofa. Puis par terre. Et regarde longuement sa frangine dans les yeux. « On se croirait dans un western », leur fait-on remarquer. Elle rigole. Sifflote Le Bon, la Brute et le Truand. Les secondes s’égrènent. Elles semblent durer des minutes.  » Je veux donner une réponse intelligente. Pas juste prétendre que c’est génial de bosser avec ma s£ur. » Cela se lit dans les regards et les éclats de rire complices. Une véritable connivence les unit. « Kelley a arrêté de fumer il y a deux ans. Maintenant, elle mâchonne des chewing-gums à la nicotine. Ils ne la quittent plus. Même sur la photo de son passeport. J’ai donc décidé de la surnommer Britney », raconte Kim.

Les deux frangines se sont intéressées à la musique plus ou moins en même temps. « Kelley était partie au drive-in voir The song remains the same , le film de Led Zeppelin. En revenant, sous acide, elle m’a dit: voilà ce que je veux faire. Je veux devenir une rock star. Je n’avais pas vu le film mais j’étais partante. Au début, on partageait nos disques mais quand on grandit, on veut sa propre collection. Le premier concert qu’on a vu ensemble, ça devait être les Beach Boys ou les Carpenters. »

Les s£urs Deal sont barjots. Quand elles ne chantent pas un morceau espagnol découvert dans le jukebox d’un bar de flics, elles appellent l’université pour faire traduire leurs paroles en allemand. Le résultat est plus qu’honnête. Il y a du Sonic Youth, de l’intensité, de bonnes chansons et forcément beaucoup de personnalité sur le nouveau Breeders. En fermant les yeux, on se croirait revenu dans les années 90.

uMountain Battles, chez 4AD.

uwww.myspace.com/thebreeders

TEXTE JULIEN BROQUET

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