Le dessinateur bruxellois Max de Radiguès part pour un an d’études et de travail au prestigieux Center for Cartoon Studies. Chaque semaine, il racontera en exclusivité pour Focus cette aventure américaine.

Si Max de Radiguès commence à publier lui-même à l’époque ses propres fanzines, c’est pour éviter une frustration, celle  » de montrer son travail au professeur puis de le ranger dans un carton« . Etudiant à Saint-Luc, il dessine toujours dans la perspective d’obtenir un produit fini qu’il puisse vendre et distribuer dans les librairies. Il rencontre alors les membres de L’Employé du Moi, maison d’éditions bruxelloise.  » Pour mon travail de fin d’études, j’ai beaucoup discuté avec eux. J’ai participé à l’aventure du collectif 40075 km, puis intégré l’équipe. »

Son premier livre, Max le conçoit sans synopsis, au fil du temps et du postage de ses dessins sur son blog.  » En improvisation totale, en me laissant influencer par les réactions des internautes. Ce qui a concentré le récit sur une histoire d’amour, ce que je n’avais pas du tout prévu.  » Cela donne Antti Brysselissä en 2007, formidable expression d’un décalage physique – celui du jeune Finlandais Antti, débarqué à Bruxelles pour un stage – et amoureux. Un an plus tard, Max retient la leçon et, s’il continue de poster les dessins de Jacques Delwitte, Little White Jack sur le Web, il fait  » attention à ne pas trop regarder les réactions. J’avais toujours au moins 5 pages d’avance sur le blog, histoire de ne plus me laisser influencer. »

L’âge dur d’avant la catastrophe

L’homme travaille beaucoup sur GrandPapier.org, plateforme de diffusion de bande dessinée en ligne,  » des récits préparés pour des livres, des collectifs, d’anciennes autopublications épuisées, quelques récits issus de mes carnets. Mais aussi la série Avant la catastrophe : un projet à part, par lequel je souhaitais retourner à un dessin très fin, d’une justesse un peu plus poussée, avec davantage le souci du détail. » Pour dépasser le simple carnet de croquis, il dévide un fil rouge basé sur la formule:  » X jours avant la catastrophe. » Cela crée un rythme, une tension, une attente. Objectif: aller jusqu’à 100 dessins et, peut-être, en faire un livre.

Autre projet en cours: L’Age dur. Quelque chose de beaucoup plus simple et épuré dans le trait, sous forme de livrets de 8 pages qu’il distribue aux gens qu’il rencontre.  » Là, je peux respirer dans mon dessin. Car je travaille, parallèlement et depuis presque un an, sur un récit jeunesse, destiné aux 11-14 ans. Cela réclame beaucoup d’effort, je veux être juste, ne pas prendre les enfants pour des imbéciles. La démarche ‘BD adulte’ transposée au monde des ados. »

Côté univers, Max de Radiguès cite d’emblée le Shenzhen de Guy Delisle parmi les bandes dessinées qui ont le plus compté dans sa vie.  » Je l’ai lue à 17 ans, elle a complètement changé ma vision de la BD et m’a ouvert les portes de la production indépendante. Elle m’a encouragé à dessiner davantage et autrement.  » Puis ce furent Pilules bleues (Frederik Peeters), Journal d’un album (Dupuy/Berberian), etc.  » Je lis aussi beaucoup de mangas. Solanin d’Inio Asano, par exemple. Ils arrivent, avec un dessin plutôt commun au Japon, à avoir une vraie démarche d’auteur – contrairement à l’Europe, où une certaine frange de la BD d’auteur se drape volontiers dans son élitisme. »

Ces dernières années ont été moins marquées, pour lui, par la production européenne –  » même si cela paraît redémarrer, après un passage à vide » – que par la découverte des comics indépendants américains:  » John Porcellino (un must absolu!), Jeffrey Brown, Chris Ware, les grands noms. Grâce à mon travail à l’espace BD de la librairie Tropismes, j’ai pu commander et lire de nombreux comiczines, tel le Phase 7 d’Alec Longstreth. » Un recueil de cette « revue perso » a été publié en français chez L’Employé du Moi et chroniqué dans Focus. S’en est suivie une rencontre… qui débouche aujourd’hui sur une collaboration. En direct des States, où il intègre, pour un an, le Center for Cartoon Studies ( lire l’encadré), il nous livrera chaque semaine, dans la rubrique BD, le récit de son immersion dans ce temple de la BD indépendante. La boucle est bouclée.

Texte Vincent Degrez

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