Présenté à Cannes en mai dernier, et désormais disponible en DVD, Caricaturistes, fantassins de la démocratie y avait fait grand bruit. S’ouvrant sur une réflexion de Jean Plantu, le dessinateur du Monde –« En ce moment, sur la planète, il y a une chape de plomb qui s’installe. Et je me dis que le langage du dessin permet d’y échapper »-, le documentaire de Stéphanie Valloatto part à sa suite à la rencontre d’une douzaine de caricaturistes du monde entier, réunis dans l’association Cartooning for Peace, et invités à témoigner de leur expérience. Et d’apparaître bientôt comme les baromètres indispensables, mais certes pas à l’abri de menaces, de la démocratie; une vérité que les événements qu’a connus la France ces derniers jours ont rendue plus criante encore. Difficile, d’ailleurs, de ne pas voir quelque dimension tragiquement prémonitoire aux propos tenus par Kofi Annan dans l’un des bonus du DVD, lorsque, interrogé sur la notion de fantassins de la démocratie appliquée aux dessinateurs de presse, l’ancien Secrétaire général des Nations unies observe: « En un sens, ils sont des combattants, ils sont dans les tranchées et dans certaines sociétés, ils prennent de réels risques en s’exposant dans leur travail et ils continuent à le faire. Aujourd’hui, aussi bien les caricaturistes que les journalistes, tous courent un risque. Et je pense que nous avons la responsabilité de les soutenir, de parler pour eux, de les aider et de les protéger. »

Agenda de travail

Au-delà de cette résonance assourdissante, ce documentaire classique s’avère en tous points passionnant. Cornaquée par Plantu, la réalisatrice interroge les pratiques respectives de dessinateurs évoluant dans des contextes fort différents, des Etats-Unis à la Tunisie, de la Russie à la Côte d’Ivoire, de la Chine au Vénézuela, d’Israël en Cisjordanie… Soit « douze fous formidables » s’armant de leur seul crayon dans leur combat pour la liberté d’expression; à quoi s’ajoute l’humour, bien sûr, nourri de leur impertinence revigorante et assaisonné, au besoin, de ce qu’il faut de provocation. Caricaturiste cubain exilé au Mexique, Angel Boliban Corbo raconte ainsi comment il s’est empressé de faire de son « agenda de travail » les trois sujets tabous que lui avait renseignés un collègue: le Président de la République, l’armée et la Vierge de Guadalupe. Au-delà de l’anecdote, il y a là comme l’expression imagée d’une vertu cardinale de ces défenseurs inépuisables de la démocratie, animés pour le coup par un enthousiasme contagieux -l’humour est la politesse du désespoir, paraît-il. A l’image du travail de ces combattants de l’esprit, un DVD rien moins qu’indispensable.

?CARICATURISTES, FANTASSINS DE LA DÉMOCRATIE. DOCUMENTAIRE DE STÉPHANIE VALLOATTO. AVEC PLANTU, NADIA KHIARI, MENOUAR MERABTENE,… 1 H 46. DIST: TWIN PICS.

8

J.F. PL.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content