Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

COLDPLAY PLUTÔT TIÈDE – MALGRÉ SON TITRE, MYLO XYLOTO, LE 5E ALBUM DE COLDPLAY N’A RIEN DE BIEN SAVANT. IMPRESSIONNANT D’EMPHASE MAIS TROP RAREMENT INSPIRÉ.

« MYLO XYLOTO »

DISTRIBUÉ PAR EMI.

Coldplay est le dernier rescapé d’une espèce en voie de disparition: celle des plus grands groupes de rock du monde. Internet n’aura pas seulement sapé la vente de CD: il aura aussi balkanisé les goûts et les couleurs, rendant de plus en plus difficile l’hégémonie d’un seul groupe -de rock a fortiori, cette musique du siècle dernier. La manière avec laquelle Chris Martin et ses compères en sont arrivés là reste un mystère. Non pas que Coldplay n’ait pas pondu quelques classiques, de Yellow à In My Place. Mais de là à voir le groupe remplir des stades… A leurs débuts, les Anglais pouvaient éventuellement faire penser à une version romantico-sentimentale de Radiohead (pré- Kid A). Au final, c’est un scénario à la U2 qu’a joué Coldplay. Fort.

C’est tout le génie de Coldplay: avoir réussi à faire connaître les grands espaces à leur gentilles ballades, à donner à leur rock souvent tiédasse des accents maximalistes.

Beige fluo

Mylo Xyloto en est peut-être l’exemple parfait. Pour son 5e album, Coldplay a poussé la formule jusqu’au bout. C’est cohérent et tout à fait à-propos dans la conjoncture pop actuelle: d’un côté le triomphe d’Adele, de l’autre celui de Lady Gaga. D’un côté, le populaire crédible (grande voix, minimum d’effets) face à la vague eurodance (extravagances et artifices). The new boring (le « nouvel ennui », titrait récemment le Guardian) VS la grande kermesse. Le gagnant? Dans Mylo Xyloto, il n’y en a pas. Plus que jamais, Coldplay s’est en effet échiné à fusionner les 2, à rendre encore plus « bombastic » ses penchants mélos. Une sorte de pop beige fluo… Dès le début, Hurts Like Heaven s’impose comme un modèle du genre, multipliant les accroches. Un début en fanfare nerveux, vraiment réussi. Le problème, c’est que Coldplay arrive aussi directement dans l’impasse. Paradise fait le forcing mais loupe le coche avec les  » oh oh » trop énormes pour être vrais. Quitte à singer Rihanna, autant d’ailleurs l’inviter: sur Princess of China, elle est parfaite. Audacieux pour une formation rock d’avoir invité la star r’n’b? A vrai dire, cela sonne un peu comme un aveu de défaite, Coldplay semblant coincé dans ses envies, entre coup d’éclat et simplicité. Sur le mix d’ Us Against The World, par exemple, les doigts glissent bruyamment sur le bois de la guitare, hurlant de manière un peu pathétique son « authenticité ». Soit. Plus gênant, le morceau en lui-même n’apporte rien à la discographie du groupe, sinon une ballade mièvre de plus. Plus loin, Charlie Brown sonne comme un double caché et paresseux de Life in Technicolor. Bien sûr, les premières notes de Every Teardrop Is A Waterfall vont déclencher l’hystérie en concert. Mais elles sont aussi largement pompées au I Go to Rio de Peter Allen (qui a également « inspiré », tiens, tiens, le tube eurodance Ritmo de la noche).

Chris Martin est le premier à dire que Coldplay n’a rien inventé. Jusqu’ici, le groupe y avait cependant mis la manière et une patte personnelle. Avec Mylo Xyloto, l’impression est qu’il tourne à vide, coincé dans ses gimmicks mélo-pompiers. Le précédent Viva la Vida avait pu faire croire que Coldplay avait potentiellement en lui un Achtung Baby. Un album de rupture, capable de relancer son élan créatif sans se trahir ni perdre son public. Visiblement, il faudra encore attendre…

EN CONCERT (COMPLET), LE 18/12, AU SPORTPALEIS, ANVERS.

LAURENT HOEBRECHTS

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