Blockbuster annoncé, Cloverfield agite depuis des mois la communauté des internautes, stimulés par une campagne de marketing particulièrement habile.

C’était en mai dernier. Ebahis, les spectateurs américains de Transformers, nouveau film de Michael Bay, découvrent, en avant-programme, un teaser alignant les images-choc. Manhattan y est en proie à une vague de destruction sans précédent, culminant dans la décapitation de la statue de la Liberté. Si tout plaide évidemment pour la bande-annonce d’un énième film-catastrophe, celle-ci présente toutefois la particularité d’être totalement anonyme: pas l’ombre d’un nom d’acteur ou de réalisateur, ni d’ailleurs de titre du film en question. A peine si une date de sortie est annoncée (le 18 janvier 2008 aux Etats-Unis, le 6 février en Europe).

BUZZ SANS PRéCéDENT

Sens du mystère couplé à la force symbolique des images, il n’en faut pas plus pour qu’un buzz sans précédent agite la communauté des cinéphiles internautes. Curiosité exploitée de main de maître par la production du film qui, au fil des mois, distille l’information au compte-gouttes par le biais de la Toile. Les sites se multiplient, la rumeur enfle, se propageant au gré des milliers de pages consacrées au projet. Des pages où règne, pour bonne part, de la spéculation pure, puisque les zones d’ombre sont jalousement préservées afin de titiller l’intérêt du public. On notera, à ce propos, qu’à toutes fins utiles, les acteurs ont dû s’engager à ne rien révéler du film à qui que ce soit, la production elle-même baignant dans une ambiance top-secret. Tout au plus si certaines de ces zones d’ombre sont donc levées à l’occasion par la société productrice du film, la Paramount, qui dispense, suivant un timing imparable, les révélations et autres photos susceptibles de relancer la curiosité des chalands. Et démontre ce faisant qu’exploité avec soin, le secret est une arme incomparable de marketing.

STRATéGIE OPPORTUNISTE

A l’origine du film, et de cette campagne de promotion particulièrement efficace, J.J. Abrams, l’homme derrière les séries Alias et Lost. Habile, ce dernier retrouve ici, d’une certaine façon, les canaux qui avaient assuré la notoriété de Blair Witch Project bien avant la sortie du film en salles. Encore que, dans le cas de Cloverfield (longtemps baptisé JJ Abrams Untitled Project, on n’est jamais trop prudent), le degré de sophistication de la mise en place soit monté d’un cran, du vrai-faux JT d’un réalisme saisissant (et reproduisant en cela le dispositif caméscopé du film, l’un des premiers de la génération YouTube) aux pages Myspace des principaux protagonistes de l’histoire (sic). Inscrite dans les techniques de son temps, non sans capitaliser sur un sentiment diffus de paranoïa, voilà une stratégie que l’on qualifiera d’opportuniste ou d’inspirée, c’est selon. Bingo, en tout cas: lors de son week-end d’ouverture aux Etats-Unis, le film a engrangé quelque 46 millions de dollars de recettes. Un record pour une sortie du mois de janvier.

uCloverfield, sur les écrans à partir du 6 février. u Voir la critique du film en page 83.

DE JEAN-FRANCOIS PLUIJGERS

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