70 ans de passion – L’histoire de la cinéphilie en France dans un coffret respirant la passion du cinéma. Joyau archi-documenté et anecdotes irrésistibles.

De Laurent Chollet. Un coffret de 5 DVD. Ed. Potemkine. Dist: Twin Pics.?

C’est à une entreprise gigantesque autant que captivante que se livre Laurent Chollet dans Cinéphiles de notre temps, à savoir retracer 70 ans de passion française pour le cinéma dans un triptyque documentaire débutant avec la Seconde Guerre mondiale pour s’achever alors qu’une cinéphilie de salon s’est largement substituée à sa pratique en salles. Archi-documenté, s’appuyant sur des archives nombreuses autant que sur des témoignages de première main, de Gilles Jacob à Bertrand Tavernier, en passant par Pierre Rissient et autre Michel Ciment, pour ne nommer que ceux-là, le film, raconté par Eddy Mitchell, réussit à marier anecdotes et vision d’ensemble; à faire résonner des comportements individuels avec une perspective plus vaste: si le cinéma est un art du XXe siècle, la pratique cinéphilique en a, pour sa part, accompagné les mutations profondes, en effet, tout en trouvant en France une expression et une ardeur sans équivalent.

De cette lame de fond, la série de Chollet rend compte à merveille, traversant le temps en arpentant les salles de quartier et autres Cinémathèques (française et belge), évoquant la naissance des revues (Positif et Les Cahiers, bien sûr, mais d’autres encore, aujourd’hui oubliées) comme celle des ciné-clubs, parcourant toute une mythologie cinéphile en compagnie de quelques-uns de ses acteurs, revenant sur des querelles de chapelles, et l’on en passe… Au passage, c’est un autre rapport au cinéma qui se dévoile lorsque, pour reprendre le mot de l’auteur, « l’émulation autour des films faisait partie intégrante de la vie intellectuelle », voire même quand, pour d’innombrables passionnés, « l’écran, c’était la vie ».

La caverne d’Ali Baba

Aux six heures de documentaire s’ajoutent neuf heures de suppléments qui constituent pour leur part une véritable caverne d’Ali Baba. On s’y attarde avec délectation tant, l’un dans l’autre, cette histoire de la cinéphilie regorge de pépites. Il y a là des épisodes hilarants, comme lorsque Godard marche sur les mains pour illustrer comment il réussit à convaincre Bardot de raccourcir sa « choucroute » sur le tournage du Mépris; historiques, quand Truffaut évoque l’incident fameux qui les vit se présenter détrempés, Chabrol et lui, pour interviewer Hitchcock; émouvants, lorsque l’on entend Natalie Wood s’adresser aux lecteurs de Ciné-Revue par l’entremise de Jo Van Cottom, l’ami des stars; étonnants, quand Brando répond en français aux questions de Léon Zitrone ou John Ford, installé sur son lit, à celles d’André Labarthe; éclairants, comme les portraits de nombreux passeurs en cinéphilie, de Raymond Rohauer, l’homme qui redécouvrit Buster Keaton, à Jacques Ledoux, conservateur historique de la Cinémathèque Royale de Belgique. Jusqu’aux cinéphiles de genre qui y trouveront leur compte, avec notamment une évocation inspirée par Jean-Pierre Bouyxou de Jess Franco tournant La comtesse noire à Bruxelles. Merveilleuse machine à remonter le temps, ce coffret est aussi indispensable qu’inépuisable.

Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content