de Pierre Philippe, Éditions Omniscience, 382 pages + 1 DVD.

L’entreprise est originale, à savoir le XXe siècle passé au crible des actualités filmées qui allaient connaître leurs (longues) heures de gloire sur les écrans de cinéma; l’objet ne l’est pas moins, soit un livre-DVD, qui ajoute aux images d’actualités la littérature fleurie de Pierre Philippe, spécialiste en la matière. Confronté à quelque 250 000 documents et 14 000 heures d’archives, celui-ci s’en est tenu à 60 séquences balayant autant d’années, de 1908, et le lancement par Charles Pathé d’un patchwork hebdomadaire de vues historiques jusqu’alors exploitées en désordre, à 1968, moment où la télévision supplante définitivement les Cinéactualités.

Le choix des sujets est éminemment subjectif et arbitraire, qui convoque petites et grande Histoire, faits divers, tendances sociétales, « peoples » et figures historiques, manière de joindre le futile au signifiant. Si l’ouvrage puise, à bon droit, à la manne inépuisable des accidents et autres catastrophes – avec leur lot d’images saisissantes, comme celles du Hindenburg en 1937 (photo) ou des 24 heures du Mans en 1955 -, l’insolite s’y glisse aussi en diverses occasions, des défilés de mode sous cellophane des années 30 à cette étonnante incursion de la couleur dans des actualités muettes de 1919, par la grâce d’un procédé vite abandonné, le Chronochrome. L’auteur, en effet, ne se borne pas à aligner les mètres de pellicule, il relève diverses évolutions significatives de ce genre cinématographique quelque peu négligé, non sans en épingler aussi les règles, spécificités et procédés discutables, qu’il s’agisse de bidouillages (comme la mise en scène autour de l’assassinat de Louis Leplée, séquence culminant avec une Piaf en sanglots) ou de détournement des actus à des fins de propagande – le sujet le plus éloquent à cet égard étant celui traitant, sous l’Occupation, de l’exposition Le Juif et la France.

Souvent savoureux – les commentaires d’époque regorgent de perles, genre: « Dévorés par la passion des rythmes bruyants, on ne savait plus très bien si les yéyés avaient un c£ur », en amorce d’un court reportage sur le mariage de Johnny et Sylvie, en 1965 -, l’ensemble constitue aussi un témoignage éloquent et captivant sur la marche d’un siècle dont les échos n’en finissent pas de se faire entendre dans… l’actualité.

Jean-François Pluijgers

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