ÉCHAPPÉS DE LEUR PENNSYLVANIE NATALE, LES JEUNES DISTRICTS, BIENTÔT AU BOTANIQUE, MÊLENT FOUGUE ROMANTIQUE ET ÉLÉGANCE EXALTÉE SUR UN ALBUM, A FLOURISH AND A SPOIL, QUI LEUR PROMET UN AVENIR RADIEUX. QUELQUE PART ENTRE THE WALKMEN ET COLD WAR KIDS

Jeans slim, sacs à dos, bonnets de pêcheurs… Quand ils débarquent devant la Vieille Pie, nouvelle et sympathique petite adresse du XVIIIe arrondissement où il fait bon boire un coup et casser la croûte, les quatre Districts ressemblent à une bande d’ados venus passer la journée à Paris avec leur classe de rhéto mais qui se seraient barrés en douce de la visite du Louvre pour fumer des clopes et faire les magasins de disques.

Nouvelle sensation du rock américain, les jeunes Districts sont originaires de Lititz. Un patelin d’une dizaine de milliers d’habitants, planté dans le Comté de Lancaster en Pennsylvanie, moins célèbre pour ses héros locaux (un pianiste de Bill Haley, une poétesse d’origine germanique morte en 1934 et un pionnier de la Californie) que pour les événements tragiques qui s’y sont déroulés il y a une dizaine d’années. En 2005, Lititz a été le théâtre sanglant d’une affaire qui a secoué l’Amérique. Deux quinquagénaires, Michael et Cathryn Borden, y ont été abattus par un jeune homme de 18 ans -le petit ami de leur fille mineure qu’ils lui avaient demandé de ne plus fréquenter. « Un événement tragique qui a rendu la ville tristement célèbre et qui a forcément ébranlé les esprits dans un petit patelin sans histoire entouré de champs et de fermes. J’ai un peu côtoyé un des enfants étant gamin« , raconte Rob Grote, le visage poupon sous une tignasse touffue. Rob est le charmant chanteur/guitariste des Districts. C’est lui, tout souriant et bien élevé, qui parle en interview et terminera le concert du soir tout seul à la gratte acoustique sur la petite scène du Pop-Up du Label. Club-restaurant mélomane et gourmand ouvert récemment.

Histoire banale d’un groupe qui l’est nettement moins. Les Districts naissent au lycée. Ils commencent à jouer dans la cafète de l’école, les restos locaux, les coffeehouses et les bars à Donuts où ils reprennent du Jimi Hendrix, du REM, du Led Zep et du Clash… Suite logique des événements, ils se lancent en 2012 dans l’enregistrement d’un disque autoproduit. « Nous avons emprunté du fric à nos parents. Bossé avec notre pote Taylor de Local Natives. Puis pressé Telephone à 1000 exemplaires et l’avons mis en ligne sur Bandcamp, retrace Rob. Internet est une bénédiction pour un groupe comme le nôtre. C’est d’ailleurs avec la vidéo de Funeral Beds que les choses sérieuses ont commencé. »

Grand bain

Hasards de la vie. Les Districts ont signé sur le label Fat Possum et décidé de se consacrer entièrement à la musique deux semaines seulement avant de commencer l’unif. Le titre d’A Flourish and a Spoil, qu’ils considèrent clairement comme un deuxième album, est une référence à Doris Day et à sa chanson A Bushel and a Peck que la mère de Rob lui chantait comme berceuse quand il était petit. « L’album parle grosso modo de la perte de l’innocence. Il a été mis en boîte au Seedy Underbelly (l’ancien Studio Pachyderm où PJ Harvey a accouché de Rid of Me et où Nirvana a enfanté In Utero, ndlr). Un studio avec piscine planté au milieu de nulle part, à Cannon Falls, dans le Minnesota. Un endroit très boisé où on n’avait pas grand-chose d’autre à faire que de se concentrer sur la musique. Comme on bossait depuis énormément de temps sur les chansons, on n’a eu qu’à les enregistrer. Tout a été très vite. On avait prévu dix jours mais la compagnie aérienne a perdu nos guitares. Le temps qu’elle les retrouve, il ne nous en restait déjà plus que neuf…  »

The Districts avait fait produire son premier EP par Bill Moriarty, un collaborateur de Dr Dog. A Flourish and a Spoil a été placé sous le haut patronage de John Congleton. Collaborateur entres autres de St. Vincent, d’Angel Olsen, de Disappears et des Swans. S’ils revendiquent leur amour pour Tom Waits, My Morning Jacket, Television, Spoon et Neil Young, ceux que le Time Magazine a annoncés comme l’un des quinze groupes de 2015 louent avec beaucoup d’enthousiasme les artistes de Philadelphie, leur ville adoptive. Tandis que les noms connus de Man Man, The War on Drugs et Kurt Vile viennent sur le tapis, Rob pique notre calepin et écrit soigneusement ceux des Pine Barons, de DRGN King, Cheers Elephant, The Lawsuits, Legs Like Tree Trunks, Darla et The Lazer Jackson… Moins intéressé que ses condisciples par le cinéma, il évoque vaguement pour terminer (le temps des Districts est compté) son amour de la littérature et de la poésie. « Je suis plus dans les bouquins que dans le 7e art. J’aime notamment beaucoup Ginsberg. Puis aussi e. e. cummings même si j’ai parfois, j’avoue, du mal à comprendre ce qu’il raconte… »

LE 09/04 À LA ROTONDE (BOTANIQUE).

RENCONTRE Julien Broquet, À Paris

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