C’est arrivé… en 1992 – Seize ans ont passé, mais C’est arrivé près de chez vous conserve tout son pouvoir de choc subversif, hilarant, violemment – et utilement – perturbant.

De Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoît Poelvoorde et Vincent Tavier. 2 h 35 (durée totale avec les bonus). Universal.

C’était une bande de cancres! A l’école où ils étaient censés apprendre le cinéma, certains professeurs ne leur avaient guère laissé d’illusion sur leurs capacités à faire un jour quelque film marquant… Alors, sans rien demander à personne si ce n’est une aide au… court métrage de la Commission ad hoc, Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoît Poelvoorde et Vincent Tavier se sont attelés à la réalisation d’un petit film en noir et blanc, tournant le week-end et pendant les vacances, loin de toute attente et de toute pression. A l’arrivée, nos lascars se retrouveraient au Festival de Cannes et provoquaient une sensation à la Semaine de la Critique, où C’est arrivé près de chez vous avait été sélectionné!

Sans moyen ou presque mais avec des idées plein la tête et une rage de faire doublée d’un vrai sens du « fun » créatif, la petite bande d’allumés made in Belgium avait commis un des plus stupéfiants ovnis cinématographiques de l’histoire. Sous le titre anglophone Man Bites Dog, l’objet allait devenir un film culte dans le monde entier, des réalisateurs comme Martin Scorsese et plus tard Quentin Tarantino n’hésitant pas à en chanter les louanges. Le coup d’audace avait été, involontairement sans doute, un coup de maître!

Pas une ride

C’est arrivé près de chez vous revient aujourd’hui pour une réédition DVD comprenant de sympathiques bonus (dont le déjà très épatant court métrage Pas de C4 pour Daniel-Daniel et des scènes coupées au montage final). Une bonne quinzaine d’années plus tard, le film n’a pas pris une ride et possède toujours la même force, la même urgence. Benoît Poelvoorde, que ce rôle révéla, incarne de captivante manière le personnage central du film, un tueur sans scrupule et haut en couleur qu’une équipe de cinéastes suit dans ses aventures sanguinaires pour en tirer un film documentaire. Portrait saisissant du criminel en action ou en conversation, incidents de tournage plus ou moins catastrophiques, étude des rapports de fascination et même de pouvoir s’établissant entre le (redoutable) « sujet » et ceux qui le suivent: C’est arrivé près de chez vous croise les approches autour d’un Poelvoorde carrément génial dans ses (fausses) improvisations.

Au premier degré, le film joue la carte d’un humour noirissime (on y rit aux larmes) et subversif (le rire s’y glace parfois), défiant les tabous (le meurtre d’un enfant, le viol collectif, entre autres) avec une rare audace. Au second degré, C’est arrivé près de chez vous fait plus qu’esquisser, au pays de l’émission Strip-Tease et avant le déferlement de la téléréalité, une réflexion sur le voyeurisme collectif, le rapport du spectateur à la violence et le risque de complicité entre ceux qui filment et ce que leur caméra enregistre de moins soutenable. Des questions qui n’ont pris, depuis le film visionnaire de Rémy Belvaux et de ses potes, que plus d’intensité encore…

L.D.

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