Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

sweet techno – Carl Craig publie ses Sessions. Soit un double CD pour illustrer le parcours de l’un des maîtres du genre. Indispensable.

Distribué par K7. En DJ set, le 19/04, au Polsslag (Pukkelpop indoor), à Hasselt.

C’est entendu: la techno, comme le reste, est aujourd’hui rentrée dans le rang. C’est loin d’être un jugement, juste un constat. Toujours pertinente, mais peut-être moins percutante, elle s’est en quelque sorte « jazzéfiée », entendez anoblie. Le temps a tout simplement fait son office. Après 20 ans, une histoire s’est créée, des repères se sont fixés, un panthéon s’est constitué.

Carl Craig y tient une place de choix. Dans la foulée des pionniers de Detroit – Derrick May, Kevin Saunderson, Juan Atkins -, Carl Craig fait ainsi partie de ceux qui ont durablement marqué le genre. Que ce soit sous son nom ou l’un de ses nombreux pseudos (puisque la techno préférera toujours se cacher derrière les machines que de courir derrière le vedettariat). Alors forcément, quand le label K7 publie un double CD rassemblant morceaux emblématiques et autres remix inédits, c’est un petit événement. D’abord, parce que le bonhomme s’est fait plus rare ces dernières années. Ensuite, parce qu’on le sait peu enclin à jeter un regard en arrière.

LUMINEUX

On est évidemment bien tenté de voir dans ces Sessions une sorte de bilan, si seulement le terme n’avait ce côté définitif et ne sentait autant le renfermé. Un résumé alors? Rien en tous cas qui ne puisse ressembler à un simple best of. Certes, la plupart des morceaux charnières de la trajectoire légendaire de Carl Craig sont là. Le deuxième CD débute ainsi par deux morceaux de 69, l’une de ses premières incarnations – qui produit ici deux fulgurances techno intransigeantes -, et termine par une nouvelle version de Bug In The Bass In: avec ce titre sorti sous le nom d’Innerzone Orchestra, au début des années 90, Carl Craig avait alors posé les bases de ce qui donnera plus tard le courant drum’n’bass. Mais ces Sessions reviennent aussi sur des productions plus récentes: le projet Tres Demented, sur lequel il a croisé Laurent Garnier; le formidable remix du Like A Child de Junior Boys, qui lui permet de lorgner davantage la house. Sous l’alias Paperclip People, l’un de ceux les plus orientés vers les clubs, Craig avait notamment marqué les esprits avec des morceaux comme Throw (cité récemment par LCD Soundsystem) ou Oscillator: les deux titres sont repris ici. Il les enchaîne avec des remix de Cesaria Evora, la Billie Holiday capverdienne (une relecture magique de son Angola), et un autre de Francesco Tristano ( The Melody). Le pianiste italien est connu pour faire un pas du classique vers la techno: Carl Craig n’a plus qu’à faire l’autre, en accentuant un peu plus les ressemblances entre le thème de l’Italien et Strings of Life, l’hymne techno de Derrick May.

Au bout du compte, entre nappes de piano lugubre, groove lumineux ou sons plus métalliques (mais toujours dansants), Carl Craig balaie un large spectre avec ces Sessions. Pourtant, ce qui impressionne le plus, c’est bien la cohérence. Comme si une seule idée traversait tous ces différents projets: celle d’une techno avec une âme, comme une vision moderne et technologique de la musique soul.

www.carlcraig-sessions.com

LAURENT HOEBRECHTS

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