C’est pas qu’on s’embêtait. Entre la météo qui confond les saisons, les politiques qui jouent notre avenir à la roulette flamande (version avec 6 balles dans le barillet), la mort qui s’invite au Pukkel, les Roms qui refusent -les ingrats- des vacances tous frais payés en Roumanie, un Van Gogh qui se fait la malle au Caire, août n’aura pas été de tout repos. Mais voilà, septembre est un mois à part. Qu’on attend avec une angoisse mêlée d’excitation. L’angoisse des embouteillages, des jours qui rétrécissent au lavage, des enfants qui grandissent trop vite, du trop peu ou trop-plein de boulot… Et l’excitation de voir la machine se remettre en marche, de tomber enfin sur son médecin et non sur son répondeur, et surtout de se faire prendre les doigts dans le pot de confiture culturelle. Car même si le cinéma et la musique sont des fruits qui se consomment désormais en toute saison (certains franchement juteux, comme Inception ou The killer inside me), la tradition -sciemment entretenue par les départements marketing, personne n’est dupe- demeure de garnir la corbeille pour la rentrée. Et comme la récolte de 2010 s’annonce prometteuse et qu’en plus la télé n’en finit pas de s’éteindre à petit feu (côté séries, on n’est pas loin de la panne sèche), c’est avec une certaine impatience, pour ne pas dire une impatience certaine, qu’on attend que cette année accouche de son 9e mois. On a hâte de s’enfoncer dans la jungle hantée de Apichatpong Weerasethakul pour vérifier si notre bonheur s’y trouve ( Uncle Boonmee), de retrouver le sourire carnassier de Michael Douglas repassant les plats et les billets verts dans Wall Street 2 ou de se glisser dans la campagne anglaise pour admirer le paysage vallonné et les répliques corrosives de Gemma Arterton ( Tamara Drewe). On a hâte aussi de prendre son envol acoustique dans la carlingue d’Aeroplane ( We Can’t Fly) pour atterrir ensuite en douceur sur les nuages cotonneux sortis de la bouche d’Aloe Blacc ( Good Things) avant de tomber en chute libre dans la boîte musicale à malice de ce diable de Gonzales ( Ivory Tower). Hâte encore de se piquer à la prose épineuse de Bret Easton Ellis ( Suite(s) Impériale(s)) ou de se prendre la porte du réel dans la figure avec Nathalie Kuperman ( Nous étions des êtres vivants). On a tellement hâte qu’au moment où on devra choisir le fruit sur l’arbre, on ne saura pas par où commencer. Morale de l’histoire: il faut se hâter… lentement.

Par Laurent Raphaël

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