HUIT FILMS DU RÉALISATEUR AMÉRICAIN SONT RÉUNIS DANS THE TIM BURTON COLLECTION. L’OCCASION DE MESURER LE CHEMIN PARCOURU ENTRE PEE-WEE’S BIG ADVENTURE, EN 1985, ET SWEENEY TODD, 22 ANS PLUS TARD.

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Période faste pour les Burton maniacs puisque, à côté de la sortie en salles de Frankenweenie et de celle, en blu-ray, de Dark Shadows, paraît ces jours-ci The Tim Burton Collection, réunissant huit films tournés par le réalisateur américain pour la Warner. A défaut d’une intégrale rêvée, cette compilation DVD, courant de 1985 et Pee-Wee’s Big Adventure, son premier long métrage, à 2007 et Sweeney Todd, renoue le fil d’une aventure artistique unique, celle d’un auteur ayant réussi à s’épanouir dans le giron de l’industrie hollywoodienne.

L’on n’en est encore qu’aux balbutiements du destin, lorsque le cinéaste s’attèle, au milieu des années 80, à Pee-Wee’s Big Adventure. Il y a pour comparse Paul Reubens, animateur d’un show pour enfants trouvant ici un emploi de doux allumé que le vol de son vélo va entraîner dans une succession d’aventures abracadabrantes. Au c£ur de cette fantaisie enchantée, Pee-Wee inaugure une galerie de marginaux de tout poil; l’imagination de Burton fait le reste -il faut voir, par exemple, le rendu à l’écran d’une scène qui tenait en une ligne de scénario:  » A machine makes breakfast« , comme nous l’apprend le commentaire audio (l’un des rares compléments relevant ce coffret). Plus débridé encore apparaît Beetlejuice, film ayant pour cadre une petite ville de Nouvelle-Angleterre, où la quiétude d’un couple de fantômes (Geena Davis et Alec Baldwin) est perturbée lorsque leur demeure est achetée par une famille new-yorkaise. Et le duo de tout mettre en £uvre pour chasser les importuns, jusqu’à recourir aux services d’un bio-exorciste ingérable, Beetlejuice (Michael Keaton). Soit l’argument d’une comédie horrifique grinçante, où s’affirme l’empathie du réalisateur pour les outsiders -fantômes ou non, à l’instar du personnage de Winona Ryder.

Blockbusters et projets personnels

Sorti un an plus tard, en 1989, Batman conforte Burton dans son statut de réalisateur « bankable ». Dans une Gotham City gothique, Burton oppose Batman (Michael Keaton) au redoutable Joker (Jack Nicholson), truand au rictus et aux procédés assassins -ainsi d’une panique sur les cosmétiques ayant le don de plonger la ville dans le chaos. S’appropriant l’univers de Bob Kane, le réalisateur en propose une vision dont la noirceur ne sera surpassée que par celle de Batman Returns, variation brillante sortie trois ans plus tard. Et qui voit le propos gagner en densité, tandis que Batman y combat la cupidité et le crime -Danny DeVito faisant, pour sa part, du Pingouin un méchant d’anthologie, alors que Michelle Pfeiffer sort ses griffes de Catwoman; on en soupire encore d’aise. Soit un double sommet incontesté du film de super-héros, auquel le temps, et la succession de Christopher Nolan, ont conféré un délicieux charme vintage en plus d’immenses qualités intrinsèques. Et la démonstration que Burton pouvait s’acquitter avec un même bonheur de blockbusters et de projets plus personnels.

Le réalisateur va ensuite se multiplier, sans pour autant que son £uvre y perde en cohérence. Hommage hilarant aux films de série B qui avaient nourri son enfance, Mars Attacks! lorgne allègrement vers le doux délire tout en laissant à un « geek » le soin de sauver le monde des assauts de Martiens moins enclins aux civilités que ne le laissaient entendre leurs « We come in peace ». Adapté de Roald Dahl, le conte enfantin Charlie and the Chocolate Factory permet, pour sa part, au cineaste de laisser libre cours à sa créativité dans les univers hallucinés composant la chocolaterie de Willy Wonka (Johnny Depp, impérial), individu vivant en retrait du monde, comme nombre de héros burtoniens. Réalisé dans la foulée, Corpse Bride recourt à l’animation image par image, technique que le réalisateur retrouvera pour Frankenweenie, avec lequel le film partage également son personnage central, Victor, que sa maladresse insigne va envoyer convoler dans l’au-delà, pour un récit bercé de poésie funèbre. Et si le musical gothique Sweeney Todd ne convainc pour sa part que modérément, l’ensemble n’en rayonne pas moins d’une magie toute singulière, expression du génie visionnaire d’un artiste dont Johnny Depp, son complice de sept films, a pu écrire: « Je n’ai jamais vu quelqu’un de si évidemment hors jeu s’adapter aussi bien. A sa manière. » On ne saurait mieux dire… l

THE TIM BURTON COLLECTION, UN COFFRET DE 8 DVD. DIST: WARNER.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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