Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

Histoires de famille – Bien que plus aventureuse que celle de Winton, son célèbre frangin, la carrière de Brandford Marsalis a enfanté à ce jour d’une discographie pour le moins inégale…

« Metamorphosen »

Marsalis Music 1106 (Universal).

Musicien le plus éclectique de la dynastie Marsalis (1), Brandford, saxopho- niste de son état, reste aussi de tous les néo-boppers, celui qui, sans jamais les contredire, s’est le plus affranchi des théories réac de Winton, son cadet d’une année – et cela même s’il n’a pas été avare de déclarations ineptes (cf. sa diatribe contre Cecil Taylor). Il fut membre des différents groupes de son frère jusqu’en 1985. Resté dans l’ombre de ce dernier, il ne s’est réellement forgé un prénom que lors de son séjour auprès de Sting, pour le premier album solo de ce dernier ( The Dream of the Blue Turtles, 1985) et surtout pour la tournée qui suivit, popularisée par un film et un disque du même nom ( Bring on the Night, 1986), une « désertion » qui créa entre les deux frangins un fameux clash mais n’empêchera pas Brandford de continuer à collaborer avec Sting pour les albums suivant ( Nothing Like The Sun, 1987, The Door Cage, 1991) avant la réconciliation officielle, scellée par l’apparition du trompettiste sur l’album TheBeautyful Ones Are Not Yet Born (1991) de l’aîné.

La trajectoire de Brandford ne rentrera pas pour autant dans le rang, tournant franchement au bizarre lorsqu’il devient (en 1992 et pour deux ans) directeur musical du Jay Leno’s Tonight Show tout en poursuivant une carrière ponctuée d’enregistrements pour Columbia (avec lequel, il a signé un contrat en 1983, deux ans après Winton et sans doute facilité par la présence de ce dernier au sein du label). En 1994, le saxophoniste s’investit parallèlement dans un projet où il va mélanger hard-bop, rap, hip hop, reggae et r&b sous le nom de Buckshot Le Fonque(2) dont l’accueil se révèlera si froid (surtout de la part des néo-boppers) qu’il n’existera que l’espace de deux disques et trois années. Peu avant la rupture avec Columbia (dont il fut brièvement directeur artistique du département jazz), il enregistre un second album de musique classique pour saxophone baptisé Creation où il interprète, entre autres, Milhaud, Ibert et Debussy avec bonheur.

Moins qu’il ne promet

La discographie de Branford concernant le jazz apparaît pour le moins hiératique et conservatrice – son meilleur album à ce jour étant à nos oreilles le caméléonesque Random Abstrac où, en 1987, il célèbre ses héros favoris: Webster, Rollins, Coleman, Coltrane. Même dans ses projets les plus ambitieux ( Bloomington, 1991, Requiem, 1998), le saxophoniste  » délivre moins qu’il ne promet » et son nouvel opus, n’échappe pas à ce jugement. Metamorphosen propose huit compositions originales – auxquelles ont contribué tous les musiciens du quartet -, séparées en deux moitiés égales par Rythm-a-Ning de Monk. C’est à l’alto et au ténor que Branford offre les meilleurs moments ( The Return of the Jitney Man, Jabberwocky, Sphere, le remarquable And Then He Was Gone signé par le bassiste Eric Revis) d’un disque ou les quatre pièces interprétées au soprano possèdent un caractère sucré qui en gâte malheureu- sement l’écoute.

(1) Constituée du patriarche Elias, pianiste et pédagogue toujours en activité, de Winton, trompettiste et idéologue du « vrai jazz », du tromboniste Delfeayo et du petit dernier, Jason le batteur.

(2) Pseudo de Julian « Cannonball » Adderley dans les années cinquante.

Philippe Elhem

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