EN 2003 POUR VANITY FAIR,BOWIE SÉLECTIONNE DANS SA DISCOTHÈQUE PERSO 25 DISQUES QUI COMPTENT. PARMI EUX, LE PREMIER ALBUM FOLK-BLUES DE L’AMÉRICAIN TUCKER ZIMMERMAN, RÉALISÉ EN 1968-69 À LONDRES PAR TONY VISCONTI, PRODUCTEUR HISTORIQUE DE DAVID. RENCONTRE 2013 AVEC TUCKER, À DOMICILE, ENTRE HUY ET LIÈGE…

« Bowie s’occupait d’un club à Bromley, dans la banlieue de Londres et voulait organiser une nuit folk: j’y suis venu avec Tony Visconti qui jouait de la basse, et Bowie a ouvert la soirée, seul avec sa 12 cordes. Il a donc fait ma première partie (sourire). Cela devait être à l’été 1969 et comme j’avais refusé le draft pour le Vietnam, je ne pouvais pas me produire sous mon vrai nom. Je me faisais passer pour un Canadien de la Côte Ouest: à cause de l’accent, je viens de Californie. » Quarante-quatre ans plus tard, le septuagénaire Tucker Zimmerman (1941) habite une maison ardennaise planquée dans un début de bois, avec sa compagne, Marie-Claire, Wallonne bon teint. Ce fameux premier album -introuvable à moins de 150 euros sur le Net- est d’abord le résultat de la rencontre avec Tony Visconti, autre Américain en exil londonien. Tucker: « J’avais passé deux années à Rome avec une bourse pour préparer une thèse sur la composition, j’étudiais Boulez, Stravinsky, Bartok. C’est là que j’ai appris que j’étais appelé au Vietnam. Il n’était pas question d’y aller. Après l’Italie, avec Marie-Claire qui travaillait à Rome, on a décidé de partir à Londres à l’été 1968. Aux douaniers qui me demandaient la raison de ma présence en Grande-Bretagne, j’ai répondu naïvement que je voulais y faire un disque. Ils m’ont donné un visa d’un mois, je crois qu’ils n’aimaient pas l’idée qu’un Américain pique le boulot aux Anglais. » Assez vite, le fils de la classe moyenne californienne, destiné à devenir enseignant de musique contemporaine, croise la route de Tony Visconti. « Cela a tout de suite marché entre nous, on se voyait beaucoup, on parlait des nuits entières d’astrologie ou de bouddhisme. Il s’intéressait à tout, aux arts martiaux comme aux nouvelles technologies. Le genre de type qui peut jouer d’à peu près n’importe quel instrument en 30 minutes, le genre de type qu’on ne peut qu’aimer. C’est lui qui m’a emmené dans les studios londoniens faire un arrangement de cuivres pour Joe Cocker -sur With A Little Help From My Friends juste avant le fade final- ou composer un single pour le groupe qu’il formait avec Mick Ronson (The Hype rebaptisé Ronno, ndlr). A l’époque, il travaillait surtout avec Bolan dans Tyrannosaurus Rex, mais avait déjà rencontré Bowie, qui passait chez lui, parfois quand j’y étais. On faisait une bouffe. Bowie était à part, on sentait chez lui une ambition sans limite, du talent et l’influence du mime Lindsay Kemp. Je n’étais pas sûr de comprendre qui il était vraiment, il était charmant mais très conscient de son style. »

Le bonjour de David

Tucker, qui écrit ses chansons en artisan discret, est alors signé chez Regal Zonophone Records, sous-label d’EMI: « Avec Visconti, on a fait des démos, j’avais 80 chansons et lui ai demandé de choisir les dix titres qui iraient sur l’album. On a enregistré en décembre 1968 puis au printemps 1969 dans différents studios, notamment à l’Olympic et au Trident. Stevie Winwood est venu sur un titre et à l’orgue, il y avait Rick Wakeman (futur pianiste du Life On Mars de Bowie, ndlr). » L’époque est dure, la compétition rude, l’argent rare. EMI ne fait aucune promo pour l’album Ten Songs By Tucker Zimmerman et met l’artiste au frigo. Tucker est expulsé d’Angleterre après 18 mois de vie à Londres et Oxford, et se retrouve chez les parents de sa femme, dans la campagne huttoise. Il fera une carrière continentale. « Ces dernières 44 années, je suis resté en contact avec Tony Visconti, par lettre puis par e-mail. Il est même passé ici quand il enregistrait à l’ICP avec les Rita Mitsouko. J’ai suivi -de loin- son parcours avec Bowie qui adore Tony parce que celui-ci est un expérimentateur. La dernière fois qu’on a été en contact, c’était il y a trois ou quatre mois quand je lui ai envoyé l’épreuve d’un livre que je suis occupé à écrire. Comme toujours, il m’a remis le bonjour de David. » Si Ten Songs est introuvable, le lecteur de Focus pourra tester le talent de Zimmerman sur le très seyant Chautauqua paru en 2005. Un film fictionnalisée sur la bio de Tucker, une série de bouquins et deux disques sont dans l’air. La bataille des Ardennes n’est pas terminée.

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