Qui es-tu Bouli Lanners? D’abord un physique. Rond, trapu, rabelaisien, tout en barbe et en bidoche. Ce qu’on appelle une force de la nature sans même avoir besoin d’aller palper les biscotos sous la chemise à carreaux. Ton registre de jeu, c’est plutôt Michel Simon qu’Alain Delon. Ça tombe bien, tu ne caches pas ton admiration pour le clochard céleste de Boudu sauvé des eaux. Avec ta casquette de baseball noire vissée sur le crâne, tu ressembles pour l’heure à l’un de ces bûcherons made in America qui se shootent à l’humus et qui, le soir venu, se retrouvent dans un bar glauque baigné de country pour descendre des Budweiser en matant d’un £il las une serveuse à la beauté fanée. Sauf que ta forêt wallonne à toi, celle à qui tu fais l’amour dans ces Géants, elle ressemble à un confetti comparé aux grandes étendues boisées plantées le long de la frontière canadienne. A l’écran pourtant, on n’y voit que du feu. La magie du cinéma… L’habit ferait-il le moine? Reliquat d’une enfance campagnarde, tu ne peux pas te passer très longtemps de Dame nature. Tes godillots de montagne toujours à portée de pieds, tu files à l’anglaise dès que tu peux pour une randonnée « into the wild ». Et même si ta maison toise Liège d’un côté, elle regarde vers les sous-bois de l’autre.  » C’est le maximum d’urbanité que je puisse supporter« , confies-tu en sirotant ta grenadine. Mais tu n’es pas qu’un trappeur civilisé. Tu es aussi un esthète. Il ne faut pas te chauffer bien longtemps pour te faire avouer tes crimes arty. Ami d’artistes, tu cites Kaurismäki et El Greco comme d’autres Claude François ou Franck Dubosc. Si tu ne craches pas sur les comédies qui tachent parce qu’elles assurent des rentrées financières pour faire autre chose, on sent bien que ton c£ur penche pour les £uvres qui jettent le trouble, déchirent le voile des faux-semblants. Un roman américain, un tableau de Turner, un morceau des Milkshakes suffisent à ton bonheur. Ça y est, on y voit plus clair: tu es donc un bobo rustique. Ce serait oublier la part de révolte qui bouillonne en toi. C’est écrit dans tes films et dans ta bio, tu aimes les personnages qui ne marchent pas droit, les groupes aux riffs saignants qui jouent dans des salles un peu crades. Ta tendresse va aux égarés de la vie. Le sens du décalage est ta boussole. Musicalement, tu en pinces pour le punk sauce lapin à la Hiatus. Derrière l’humour dont tu saupoudres ton accent pointe un humanisme à fleur de peau. Quand tu parles de Michel Simon, tu mets le doigt sur cette manière qu’il avait de dynamiter les conventions avec son jeu déphasé. Revers de cette médaille d’authenticité, les dîners en ville, les pince-fesses, très peu pour toi. Pas de chance, avec le succès et le label produit d’exportation, les propositions riches en graisse et pauvres en matière grise dans les fiefs gastronomiques des barons de la région se multiplient. Paraît même que t’aurais inventé une parade pour t’éviter les crises de foie, les conversations au ras de la moquette et les compliments en toc. Mais chut, on ne vendra pas la mèche… Qui es-tu alors Bouli Lanners?  » Un homme du XXe siècle« , réponds-tu simplement en précisant qu’Internet ne sera toujours pour toi qu’un outil et que l’émotion,ça se conjugue au pluriel, avec des odeurs, de la chimie, de l’électricité. Pas mieux. l

RETROUVEZ ÉGALEMENT BOULI DANS LE VIF WEEKEND POUR UN SHOOTING MODE 100 % NATURE

PAR LAURENT RAPHAËL

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