Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le dernier cow-boy. En 3 CD, The World of Bobbejaan fait le tour de la carrière du célèbre cow-boy flamand. Entre country et chanson populaire, kitsch et culte à la fois.

« The World of Bobbejaan »

Distribué par Bobbejaan Records/Sony.

Ceci n’est pas un disque. C’est un dimanche après-midi chez les grands-parents, pares- seux et interminable. Avec la tarte au riz, et le café servi dans un service Royal Boch (collection Copenhague, celle avec les liserés bleus). C’est l’autostrade direction Hofstade-plage ou les cascades de Coo, à bord de la vieille Simca. Ou encore un maillot Eddy Merckx, époque Faema. Vintage The World of Bobbejaan? Carrément – accordéon et sifflements surannés compris. Le vieux cow-boy flamand Bobbejaan Schoepen a aujourd’hui 84 ans. A l’initiative de son fils Tom, il bénéficie pour la première fois d’une anthologie en bonne et due forme. L’an dernier déjà, il ressortait un album original, façon Johnny Cash sur le retour. A cette occasion, la jeune génération, de Daan à Jeff Bodart, était venue rendre hommage au pionnier, fort d’une carrière de plus de 60 ans. On aura du mal à résumer la trajectoire du bonhomme, entre country du platteland, chanson populaire, schlager et exercices parodiques délirants. C’est à la sortie de la guerre que naît le personnage de Bobbejaan. Modest Schoepen de son vrai nom chante alors pour les soldats américains, et adapte son répertoire en conséquence. Résultat: en 53, il est le premier Européen à se produire au Grand Ole Opry, la Mecque du genre à Nashville. Plus tard, en 57, il s’envolera vers New York pour participer au fameux Ed Sullivan Show et enregistrer dans les studios RCA. Il y croise le jeune Elvis et se fait accompagner par les Jordanaires, qui chantent habituellement avec le King. Pendant ce temps, sa carrière européenne s’est emballée. Au pays, il se produit à l’Ancienne Belgique avec un certain Jacques Brel en première partie. Les hits s’enchaînent aussi en Allemagne, ou en France, avec une reprise de Richard Anthony ( Je me suis souvent demandé). En tout, ce sont près de 5 millions de disques qui sont écoulés. Dans les années 60, il achète un terrain du côté de Lichtaart: c’est là qu’il montera son propre parc d’attractions. Bobbejaanland a été revendu en 2004 à un groupe espagnol, mais le cow-boy y habite toujours.

Roots

Evidemment, par bien des côtés, cette compilation vaut surtout comme document. En 2010, le monde chanté par Bobbejaan Schoepen n’a peut-être jamais semblé aussi « exotique ». Certainement trop pour les oreilles des plus jeunes (et des moins flamandophiles, la majorité des titres étant chantés dans la langue d’Hugo Claus). A y regarder de plus près pourtant, le rapport décomplexé à la musique qu’entretient la génération mp3 – passant d’un genre à l’autre, accumulant les morceaux dans son iPod… -, cette liberté-là, a aussi toujours été celle de Bobbejaan Schoepen. A fouiller dans les plus de 600 morceaux enregistrés, on tombera aussi bien sur un instrumental à la Ennio Morricone que sur le Temps de cerises; autant sur des airs de kermesse ( Café zonder bier) que sur des fulgurances romantiques ( De lichtjes van de Schelde) ou des moments de vérité crue ( Verankerd). Ou bien encore sur des délires complets ( Pompier van Brussel-Zuid), parodies populaires « énaurmes ». C’est que Bobbejaan a beau arborer Stetson et santiags, il adore se plonger dans le surréalisme local. On n’échappe pas à ses racines…

Laurent Hoebrechts

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