écrivain,cinéaste

on nouveau film choral sur l’univers de la prostitution, Coquelicots, est sur nos écrans. Déjà il en a tourné un autre, et en met un autre encore en chantier! Prolifique, Philippe Blasband l’est avec talent. Réalisateur ( Un honnête commerçant, la Couleur des mots), scénariste pour Frédéric Fonteyne ( Max et Bobo, Les Liaisons pornographiques) et Sam Garbarski ( Le Tango des Rachevski, Irina Palm), auteur de pièces de théâtre ( Les Mille et une nuits, Les Témoins) et romancier ( De cendres et de fumée, Johnny Bruxelles), l’homme ne manque pas de souffle, ni d’inspiration. Son travail s’inscrivant par ailleurs pleinement dans son époque et dans la société, Blasband se profilait comme un témoin de choix pour tirer le bilan de l’année qui s’achève…

Vos coups de c£ur artistiques de 2008?

Un scénariste est devenu mon « dieu ». Il s’appelle Steven Moffat. C’est lui qui devait écrire l’adaptation de Tintin pour Spielberg, mais cela ne se fait pas, finalement… Moffat n’écrit que pour la télé, on lui doit notamment la série Coupling… Au théâtre, j’ai vu une mise en scène de Edward II, la pièce de Shakespeare, par Anne-Laure Liégeois, avec notamment la comédienne Anne Girouard, qui joue la reine Guenièvre dans la série Kaamelott et que j’ai fait jouer dans mon film (NdlR: encore inédit) Maternelles. Ce spectacle m’a fort marqué! Chaque ami à qui j’en ai parlé trouvait ça très mauvais (rire), mais moi j’ai énormément aimé. Etre minoritaire ne me dérange pas trop (rire)… J’ai aussi découvert l’écrivain Henry Roth, que je ne connaissais absolument pas, et qui est un auteur extraordinaire. Il y a plein de phrases en yiddish dans le texte anglais de ses livres, ce qui me touche beaucoup. C’était la langue d’une partie de ma famille, une partie dont tous les membres sont morts. D’ailleurs, quand Henry Roth est mort, ce fut aussi la mort du yiddish dans la littérature en langue anglaise… Au cinéma, c’est le film de James Gray, We Own The Night, qui a marqué mon année. Et en musique, j’ai beaucoup écouté Beirut.

Des disparitions vous ont-elles marqué?

Celle de Gaston Compère, qui a été mon prof à l’Athénée d’Ixelles. Sa disparition a clos un chapitre essentiel à mes yeux. Je n’aurais sans doute pas été écrivain si je ne l’avais pas rencontré. Il aimait choquer les adolescents qu’il avait sous la main, et il était extrêmement élitiste, culturellement parlant. Il était par exemple totalement contre cette tendance qui veut que l’on mette tout sur le même plan, sans aucune hiérarchie. Il répétait que tout ne se vaut pas. Dans son enseignement, il mettait l’accent sur le style et la structure, sur ce qui, dans l’écriture, est musical. Il insistait sur l’inspiration et la réflexion, se laisser aller et réfléchir après. Cela m’a beaucoup marqué… Longtemps, j’ai cru que c’était un écrivain qui n’enseignait que pour ga-gner sa vie. Puis, voici 4 ans, il a fêté son 80e anniversaire. Moi-même j’en avais 40, juste la moitié… Il m’a alors confié son bonheur d’avoir littéralement « sauvé » plusieurs jeunes gens qui, sans lui, auraient pu mourir (de la drogue) et auxquels il a tenu la tête hors de l’eau, auxquels il a permis de s’en sortir. Il avait été prof, autant qu’écrivain. Moi qui enseignais alors à l’INSAS, j’ai compris à ce moment que je n’aurais jamais été capable d’aller aussi loin pour mes élèves…

En 2008, on a commémoré la mort de Gainsbourg et celle de Brel. Certaines voix contestant le second, ici même en Belgique…

Je pense que la postérité de Gainsbourg est peu ou pas contestée parce qu’il a eu l’intelligence de se dire un artiste mineur. Malgré toutes ses provocations, il y avait chez lui un côté modeste. Ses ex-compagnes racontent comment il réfléchissait à ses provoc’s (rire), et cela le rend encore plus humain, je trouve. Brel, lui, affirmait souvent les choses de manière péremptoire, et assez bête parfois. Tout d’un coup, il sortait des choses extraordinaires (comme « Un Wallon, c’est un Français mou »), mais ces fulgurances s’inscrivaient dans un discours globalement irritant. Gaston Compère détestait Brel, parce qu’il trouvait sa musique et sa poésie – il lui refusait le mot, ne parlant que de chanson – remplies de clichés… Mais ce qui restera, même quand son £uvre sera devenue tout à fait désuète, ce sera son interprétation! Pour des gens de théâtre, pour moi en tout cas, il y a quelque chose d’extraordinaire dans sa manière de faire des variations sur un texte, et de se donner au point extrême où il se donnait. Une expérience limite, qui n’a pas d’équivalent ailleurs, et qui suscitera pour toujours la fascination.

2008 fut aussi, en Belgique, une année de crise politique, sans vrai gouvernement…

Cela m’a permis de me rendre compte, tardivement, à quel point nous avons eu par le passé, avec un Verhofstadt, un Martens, de bons premiers ministres. En tout cas si on les compare à Leterme (rire)! Ou bien il est particulièrement bête, ou bien il communique très mal. Je ne suis pas à même de me prononcer à ce stade des choses…

L’élection de Barack Obama, un métis, a dû vous réjouir, non?

Oui bien sûr! Mais déjà la France avait, au second tour de l’élection présidentielle, offert un choix entre une femme et un type à moitié juif et à moitié hongrois, voir tsigane si j’en crois mes amis hongrois qui m’assurent que Sarkozy est un nom tsigane! Le fait qu’Obama soit métis est une chose essentielle, car cela montre le chemin vers une société où les identités sont choisies et non plus imposées par la seule origine.

entretien Louis Danvers

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