La Cinémathèque française accueille une remarquable exposition consacrée au créateur de Monsieur Hulot, le génial réalisateur de Playtime.

« C hacun a sa demi-heure de hulotisme par jour. » Formulé en 1959, à l’époque où Jacques Tati réalise Mon oncle, voilà certes un constat porteur de toutes les promesses. Grand hurluberlu arpentant l’univers du cinéaste, Hulot apparaît en constant décalage avec le monde dans lequel il évolue, tant ce dernier semble aller trop vite pour lui. Plus fondamentalement, il est aussi le grain de sable qui, invariablement, s’en viendra gripper une mécanique en apparence bien huilée. L’élément inévitablement perturbateur parce que humain, tout simplement – postulat que Playtime, le chef-d’£uvre absolu de Tati, portera à son irrésistible climax; la scène de l’inauguration du restaurant le Royal Garden n’est tutoyée, en drôlerie, que par The Party, de Blake Edwards, c’est dire.

Formidable génie inventif

Cette citation, elle figure aussi en exergue de l’exposition que consacre pour l’heure la Cinémathèque française à l’immense (dans tous les sens du terme) cinéaste. L’occasion de s’immerger dans l’univers d’un artiste qui, pour n’avoir tourné qu’une poignée de films – six longs métrages, à peine! -, n’en est pas moins l’un des auteurs majeurs du septième art. Un créateur qui, de Jour de fête en Playtime se révélera l’observateur attentif et amusé du basculement du monde dans la modernité, construisant une £uvre visionnaire et drôle à la fois dans sa combinaison de poésie, de fantaisie et d’expérimentation. De cela, l’exposition rend merveilleusement compte, au gré d’une scénographie conçue par Macha Makeïeff, et en forme de véritable régal pour les sens. Et qui, du reste, s’ouvre en sollicitant l’ouïe, tant il est vrai que le son, bien plus que les dialogues, occupe une place fondamentale dans l’£uvre du cinéaste. Passé un couloir bruitiste, le visiteur est happé dans un vaste espace qui restitue la richesse de l’univers de Tati, à la fois totalement inscrit dans son temps – ses films sont emblématiques de la modernité -, tout en étant résolument hors du temps, dès lors qu’il instruit le rapport de l’homme à son environnement matériel. Le tout, servi par un formidable génie inventif – on en veut pour preuve les extraordinaires trouvailles qui peuplent le salon du design de Playtime, reproduites pour certaines ici. Ou encore l’accomplissement architectural de la villa Arpel, dans Mon oncle, villa dont une imposante maquette trône au c£ur de l’exposition , et l’on ne parle même pas de Tativille, cité qu’il avait conçue pour les besoins de Playtime, encore.

Les différents éléments extraits des films de Tati sont aussi confrontés à des £uvres d’art qui, de Raoul Dufy à Saul Steinberg, témoignent d’une inspiration voisine. A quoi s’ajoutent quantité de documents – scénarios, photographies, carnets de gags et d’idées – venus documenter son travail. Mais aussi, en judicieux prolongement de la visite, les interventions de nombreux cinéastes – David Lynch, Michel Gondry, Wes Anderson… – qui soulignent l’impact, pratiquement inépuisable, de son art. Au vrai, cette exposition remarquable, est aussi la plus sûre invitation à se replonger, séance tenante, dans la filmographie de l’auteur des Vacances de Monsieur Hulot et d’autres chefs-d’£uvre…

Jacques Tati: deux temps, trois mouvements. Jusqu’au 2 août à la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy, Paris. www.cinematheque.fr

Visite Jean-François Pluijgers, à Paris

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content