GAEL GARCIA BERNAL PRÊTE SON CHARISME À RENÉ SAVEEDRA, LE PUBLICITAIRE DERRIÈRE LA CAMPAGNE DU NO LORS DU RÉFÉRENDUM CHILIEN DE 88.

Le parcours de Gael Garcia Bernal ressemble à un sans-faute, qui l’a vu, depuis qu’on le découvrit avec le siècle dans Amores Perros, de Alejandro Gonzalez Inarritu, tourner avec Pedro Almodóvar, Alfonso Cuaron, Michel Gondry, Jim Jarmusch ou autre Walter Salles, liste à laquelle vient s’ajouter aujourd’hui Pablo Larrain. Le réalisateur chilien est assurément l’un des cinéastes les plus doués de sa génération, l’auteur du remarquable Post Mortem, auquel succède aujourd’hui un No tout simplement épatant. « Si j’ai choisi de faire ce film, c’est avant tout en raison de son réalisateur, s’enthousiasme Gael Garcia Bernal. L’histoire est incroyable et méconnue -j’ignorais tout de l’importance de cette campagne publicitaire-, mais c’est le point de vue étonnant avec lequel Pablo Larrain voulait l’aborder qui m’a convaincu. »

Avec ce film, le cinéaste boucle une trilogie sur le Chili des années Pinochet entamée en 2008 avec Tony Manero. En toute logique, No s’attache aux derniers soubresauts du régime, lorsque, sous la pression internationale, le dictateur organisa, en 1988, un référendum dont il pensait qu’il le maintiendrait au pouvoir. C’était sans compter sur le peuple, ni sur l’opposition qui allait convaincre René Saavedra, un jeune et audacieux publicitaire, de conduire la campagne du « non ». Pour camper ce personnage, Bernal ne s’est pas seulement immergé dans l’époque, visionnant des archives et rencontrant des protagonistes, il a aussi veillé à lui donner une véritable consistance, et une certaine ambiguïté: « J’ai voulu préserver au personnage sa part de mystère, explique-t-il. Ses motivations étaient d’ordres divers, et tenaient aussi bien à son statut d’exilé qu’à son désir d’accéder à la célébrité. Dans un film hollywoodien, on aurait l’explication de chacun de ses actes, mais fort heureusement, dans le cas présent, c’est un peu plus complexe. En ce sens, Saavedra devient un symbole de la démocratie, parce que la démocratie elle-même est ambiguë et contradictoire. Elle se réinvente chaque jour… »

Histoire du réveil politique d’un individu apparemment apolitique, No vient s’ajouter à une série de films qui traduisent l’engagement de l’acteur, de Blindness à Tambien la Lluvia, et jusqu’à avoir campé l’icône révolutionnaire absolue, le Che, dans Diarios de Motocicleta -« C’était important, mais aussi parce que je voulais démythifier le personnage. Il était essentiel de pouvoir faire ce voyage à travers l’Amérique latine afin de découvrir l’homme avant le mythe », expose-t-il au sujet de ce dernier. Quant à la coloration engagée de ses choix, il y voit aussi le résultat d’une disposition naturelle: « Ces questions m’intéressent. Il est difficile d’y échapper en tant que Latino-Américain, mais moi, en outre, cela me plaît. C’est aussi, à mes yeux, une manière d’établir une distinction entre du pur divertissement et un cinéma artistique, transcendantal. Même si l’on ne peut pas généraliser, le premier est totalement coupé de la réalité, passée, présente ou future, au contraire du second qui est connecté à la réalité, avec un angle politique, dimension que l’on retrouve dans certains films de divertissement d’ailleurs. »

De fait, sa filmographie n’a rien d’un pensum laborieux –« je déteste les films dont le concept politique est affiché bien grand, ce n’est plus du cinéma », souligne l’acteur qui s’est même employé à brouiller quelque peu les pistes, lui que l’on vit par exemple aux côtés de Amanda Seyfried dans Letters to Juliet, guimauve inoffensive de Gary Winick. Et qui est annoncé prochainement sous les traits du justicier masqué dans le Zorro Reborn de Ricardo de Montreuil -encore que le personnage inventé par Johnston McCulley combatte l’injustice, on y revient décidément toujours.

J.F. PL.

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