LA COLLECTION NEO NOIR DE GALLMEISTER RENOUE AVEC LES ORIGINES DU GENRE.

Au commencement, pour nous, Gallmeister ce fut Le Gang de la clef à molette de Edward Abbey. Un road movie écologiste, insolent, anarchiste, désespéré, prophétique, amoureux, qui datait de 1975, n’avait connu qu’un très faible succès lors d’une première édition française en 1997 et trouvait enfin ses lecteurs chez nous en 2006. On y voyait se profiler le désenchantement et l’inquiétude devant un système économique qui condamnait la beauté et qui annonçait la fin d’un rapport innocent, whitmanien, au monde.

Un peu moins de dix ans plus tard, Gallmeister est donc surtout connu par le lecteur français comme un grand passeur de « nature writing ». Ce genre dit une Amérique perdant ses grands espaces en même temps que ses grandes illusions et se met à les célébrer dans des histoires lyriques et violentes, nostalgiques et somptueuses à la façon d’un Jim Harrison, ce Rousseau qui adorerait le whisky. Et de fait, parce que l’environnement et l’écologie sont désormais explicitement des enjeux politiques, on a souvent flirté dans le catalogue Gallmeister avec le roman noir, ce roman noir qui a toujours été là pour dire les nouveaux désordres, les nouveaux points de contractures dans le grand corps social.

Cela explique certainement en partie pourquoi Gallmeister, avec sa collection neo noir lancée en ce mois de mars 2015, a décidé de jouer avec l’ADN de sa maison. Est-ce l’anniversaire des 70 ans de la Série Noire, cette grande soeur fondatrice, qui a donné des envies à l’éditeur, toujours est-il que la collection neo noir renoue avec les codes originels d’un genre qui a parfois du mal à exister entre le polar ethnographique, le thriller technologique, le whodunit ésotérique, j’en passe et des pires.

Neo noir, pour commencer, a adopté une charte graphique délibérément janséniste et on remerciera la collection de nous épargner ces couvertures flashy qui sont désormais imposées au lecteur de littérature de genre. En plus, neo noir prend le parti du roman noir, ce qui est logique me direz-vous, mais du vrai, du dur, du tatoué. Il n’y aura pas d’eau dans le whisky des premiers titres de la collection qui enchanteront l’amateur parfois frustré, malgré l’abondante production éditoriale estampillée polar. Car l’amateur, ce qu’il aime, lui, comme dans les romans de Jake Hinkson, Benjamin Whitmer, S. Craig Zalher ou Matthew Mc Bride proposés ici, c’est de retrouver ce qu’il aimait chez Jim Thompson, Charles Williams voire David Goodis: comment tombent les hommes, comment s’effacent les frontières entre le bien et le mal, comment se passent la vie et la mort des perdants du Rêve Américain, qu’il s’agisse d’un flic du Missouri ou d’un ouvrier licencié. On est dans les zones industrielles, les petites villes étouffantes, les parkings de centres commerciaux.

Bref, retour aux origines. Neo noir, la collection qui se réfère aux fondateurs, mérite pourtant son titre car tout ce qui est vraiment nouveau, on le sait, est en fait très ancien et seule la tradition est révolutionnaire comme disait Péguy. Ou si vous préférez Amy Winehouse à Péguy, neo noir, c’est « back to black ».

PREMIERS TITRES DE LA COLLECTION NEO NOIR: PIKE ET CRY FATHER DE BENJAMIN WHITMER, EXÉCUTIONS À VICTORY DE S. CRAIG ZAHLER, L’ENFER DE CHURCH STREET DE JAKE HINKSON, FRANK SINATRA DANS UN MIXER DE MATTHEW MCBRIDE.

UN TEXTE INSPIRÉ PAR LE LANCEMENT DE LA COLLECTION NEO NOIR AUX ÉDITIONS GALLMEISTER.

JÉRÔME LEROY

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