Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Inédit: Axelle Red n’apparaît pas en cover de son nouveau disque. « C’est parce qu’il ne parle pas de moi », explique celle qui fête ses 15 ans de carrière.

Vu d’ici, cela n’est pas loin de ressembler à un suicide commercial. Ou en tout cas à une fameuse cascade. Succédant à un album qui avait déjà eu plus de mal à se vendre que d’habitude, Sisters & Empathy est le premier album d’Axelle Red chanté (en immense majorité) en anglais. De plus, l’objet est double. « Si la démarche est risquée? Sincèrement, dans une époque où l’on n’achète de toutes manières plus de disques, autant y aller… Et puis, j’ai toujours fait les albums comme je le sentais. »

En effet. Son image tronquée de chanteuse de variété, avec tout ce que cela peut avoir parfois de superficiel, a tendance à le faire oublier: Axelle Red a toujours contrôlé son destin artistique de très près.

La voilà qui repart donc au combat. En ce mois de janvier, elle enchaîne les interviews, et tente d’expliquer sa mue. Sur Sisters & Empathy, Fabienne Demal, de son vrai nom, a non seulement changé d’idiome mais aussi de climat. Plus roots, le disque se passe de violons et de cuivres. Surprenant: Bob Dylan est présent via la reprise de Gotta Serve Somebody; Tom Barman (dEUS) chante lui sur She’s Defective, tandis que son camarade Mauro Pawlowski pique de sa guitare une autre paire de chansons. Rock, Axelle Red? En tout cas, assez crédible que pour arriver à enfiler sans que ça gêne des habits folk-soul, qui font plus d’une fois mouche.

Le danger du cynisme

Pourquoi cependant avoir cédé cette fois-ci à l’anglais? « L’idée me trottait en tête depuis longtemps, mais on n’avait jamais eu vraiment l’occasion de la concrétiser. Au départ, je voulais réaliser un album de reprises de John Martyn (NdR: artiste folk anglais), et parallèlement à ça écrire un livre sur les questions qui m’ont obsédée ces dernières années. » Finalement, le disque de reprises est abandonné. Mais pas l’idée d’un disque en anglais, qui traiterait de ce qui l’a hantée ces derniers temps. « C’est cliché, mais je ne trouvais pas la paix intérieure. Avec tout le bonheur autour de moi, je n’étais pas capable d’être heureuse. J’ai voulu accélérer les choses pour trouver une certaine forme de sagesse. » En fait, l’engagement comme ambassadrice de l’Unicef, que certains railleront mais dont on ne pourra pas nier la sincérité, la confronte à des situations et des histoires pas toujours faciles à digérer. La situation des femmes l’interpelle particulièrement. « A un moment, je ne pouvais plus réfléchir à l’Histoire sans penser à toutes ces femmes violées. Je voyais ce qui se passait au Congo, où le viol est une arme de guerre. Je n’en pouvais plus. C’était physique. Même dans ma vie de femme, ce n’était pas très stimulant dans un couple. Je ne voulais pas devenir comme ça. Il a fallu que je lâche des choses. » C’est ainsi que naît Sisters & Empathy, une thérapie qu’elle prolonge par après en se plongeant dans les livres. « En fait, j’ai passé un an à étudier », explique-t-elle, confiante aujourd’hui dans les propriétés de l’empathie et de la compassion. « Le plus dangereux dans nos sociétés, c’est le cynisme. Ma conviction est que le positivisme est contagieux. On peut faire croire aux gens qu’ils sont un peu mieux que ce qu’ils sont. Quand vous tapez empath sur google, vous tombez sur des empath groups, comme il y avait des love groups dans les années 60. C’est dans l’air du temps. »

u Axelle Red, Sisters & Empathy, EMI. En concert, le 2/05, au Sportpaleis d’Anvers.

Laurent Hoebrechts

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