TOUT DROIT VENU D’OKLAHOMA, OTHER LIVES MET LE DOIGT SUR LES RELATIONS TUMULTUEUSES ENTRE L’HOMME ET LA NATURE DANS UN GRAND ALBUM DE POP DRAMATIQUE ET TOUFFUE. LA PROCHAINE TORNADE INDÉ?

Tous les groupes américains ou presque vivent à New York et Los Angeles, à la rigueur Austin, San Francisco voire Detroit… Other Lives vient du fin fond des Etats-Unis. De Stillwater. Patelin universitaire mais paisible de 45 000 habitants.

 » Stillwater est synonyme pour nous de liberté économique, avance le boss Jesse Tabish, sorte de faux jumeau de Robin Pecknold, leader des Fleet Foxes. Je paye 370 dollars par mois de loyer que je partage avec mon coloc. Ça ne nous empêche pas d’être fauchés mais ça nous évite de devoir bosser de 9 à 17 tous les jours de la semaine.  »

Ça leur a permis, aussi, d’écrire et d’enregistrer l’ambitieux Tamer Animals ( voir critique page 35). D’avoir toutes leurs journées pendant 16 longs mois, presque 2 grossesses, à lui consacrer.

Stillwater (bien sûr, ça vous dit quelque chose, c’est le nom du groupe que suit le jeune William dans Almost Famous de Cameron Crowe) n’est pas juste une tanière pas chère pour Tabish et ses disciples. La nature, les grandes plaines du Midwest, imprègnent la musique, et tout particulièrement le 2e album de ces nouveaux barbus.  » Nous sommes très isolés des tendances, des hypes, des influences. Quand on a décidé de décrire notre Oklahoma et ses paysages, on a réalisé qu’on le faisait déjà. Qu’on écrivait la bande originale instrumentale de notre milieu.  »

Katrina et Irène

Leurs textes sont à l’avenant. Sur Tamer Animals, les folkeux évoquent notamment le Dust Bowl. Cette tristement célèbre série de tempêtes de poussière qui frappa l’Oklahoma dans les années 30. Détruisant les récoltes, ravageant les champs et jetant des milliers de fermiers sur les routes.

 » Ce n’est pas une obsession dans la région. Ce sont des événements qui remontent maintenant à 3 ou 4 générations, explique le multi-instrumentiste (violon, piano, trompette) Jonathon Mooney. Nous avions simplement des photos en noir et blanc de ces catastrophes. Et elles dégageaient une imagerie intrigante, inspirante, apocalyptique et désespérée. On a écrit 3 chansons sur le sujet: Dust Bowl I, II et III . La 3eest sur le disque.  »

C’est à partir de ce morceau, pas un autre, qu’Other Lives a décidé de se pencher sur la relation entre l’homme et la nature.  » Depuis quelques années, l’homme réalise à nouveau qu’il est tout petit et sans défenses face aux phénomènes naturels, remarque Jesse Tabish qui, pour la petite histoire, a été privé de Pukkelpop par la tempête mortelle du 18 août dernier. Il prend conscience aussi de ses devoirs, de ses responsabilités. Comme bien d’autres catastrophes depuis, le Dust Bowl est quelque part son £uvre. Il résulte de la manière dont il exploitait la terre. » La panique démesurée que l’ouragan Irène a fait souffler sur la côte est des Etats-Unis n’étonne pas Jesse et Jonathon.  » Les médias aiment ça. Ils veulent des grandes histoires. Ils ont sensationnalisé, exagéré les dangers. Puis tout le monde veut des trucs à se raconter dans la rue. Sans le désastre Katrina, Bloomberg et les autres n’auraient jamais tiré la sonnette d’alarme. En même temps, mieux vaut prévenir que guérir.  »

Morricone et Steinbeck

Si la musique d’Other Lives fait penser à un mélange des Fleet Foxes et de Grizzly Bear, ses 2 leaders revendiquent plutôt l’influence de Radiohead. Racontent avoir grandi avec les Beatles, Neil Young, Pink Floyd. Une mère prof de piano qui jouait Chopin et Debussy à la maison pour l’un. Un père qui se produisait aussi bien à l’église que dans des groupes de rock seventies pour l’autre.

Tamer Animals a beau avoir été marqué par le travail d’un Ennio Morricone, d’un Philip Glass, d’un Johan Johansson, si quelqu’un l’a profondément inspiré, c’est John Steinbeck. L’auteur d’ A l’est d’Eden, de Lune noire, des Raisins de la colère.  » On l’a beaucoup lu pendant l’enregistrement. Il ouvre dans ses livres un £il sur ce qui l’entoure. Se concentre sur un endroit, un détail, en utilisant une voix objective qui regarde et décrit. Ça nous a aidés à envisager les paroles d’un point de vue extérieur. A essayer de s’extirper de ce qu’on ressentait ou pensait. On tenait à observer les paysages. Puis aussi à voir comment, en tant qu’animal, on réagit et s’adapte à notre environnement. Comment on l’affecte.  »

Quand on lui suggère de filer son disque à Sufjan Stevens qui a l’air de ramer dans son projet insensé d’enregistrer un album par Etat de son Amérique, Jesse Tabish rit dans sa barbe. Cet album qu’on imaginait compliqué à reproduire sur scène, il le défend sur les routes avec une classedingue, une ampleur folle.  » On est juste tous très occupés pendant nos concerts. On doit être multi-tâches, comme les robots de cuisine qu’on vend à nos mères sur les chaînes de télé-achat.  »

TEXTE JULIEN BROQUET

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