Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

FILMER À TOUT PRIX, PINK SCREENS, MOUSSEM, FESTIVAL DES LIBERTÉS PROPOSENT DU DOC SUR GRAND ÉCRAN. DERRIÈRE LA RICHESSE DU GENRE, FINANCEMENT ET DISTRIBUTION RESTENT PROBLÉMATIQUES, VOIRE MARGINAUX.

Un £il sur le monde, un stéthoscope à pixels, un thermomètre des tachycardies planétaires, du social, du biotope, du cul, des larmes, du straight et du gay, de la controverse, de l’interdit, de la contemplation, de l’histoire macro ou micro: le documentaire est un genre générique qui propose tout cela et plus encore. Alors ce petit frère réaliste de la fiction semble aujourd’hui omniprésent et vorace, mais peu commercialisé. On est loin de l’époque où le pionnier belge Henri Storck (1) filme la déconfiture ouvrière dans Misère au Borinage. Septante-huit ans plus tard, la télé généraliste -y compris publique-, pendant longtemps premier diffuseur du genre, renâcle à programmer du doc. Ou alors (trop) tard ou alors people ou alors un peu « sexy », terme douteux érigé en pseudo règle pour ne pas  » ennuyer le téléspectateur » pourtant gavé de jeux barbants et de fictions mal doublées. De son côté, le Net invente sa propre espèce, le web doc multimédia où un clic permet de choisir un personnage, un versant du récit, une option, avant de réintégrer la narration. Prison Valley, sorti en 2010 et consacré à l’industrie carcérale américaine, est jusqu’ici le seul réel « tube » du genre. Sa qualité exemplaire, visuelle comme informative, est permise par le talent de ses auteurs (David Dufresne, Philippe Brault) mais aussi par un financement qui passe par la télévision et, dans ce cas-ci, ARTE. Sinon, le Net travaille surtout les formats courts ou saucissonne en séquences le doc standard (52 minutes) pour cause de lourdeur de fichiers. Joli paradoxe: parangon supposé de modernité, la Toile ne trouve pas (encore) le moyen de se mettre totalement à hauteur technologique de la HD, désormais norme filmique banalisée, y compris chez les -ouh le vilain mot- documentaristes.

Cheap ou bon marché?

Au mitan des années 90, l’invention de la MiniDV et de caméras abordables (2500 euros pour un modèle correct) booste le doc, même si cadrage parkinsonien et lumières délavées peuvent lasser. La HD abordable -et portable- apparaît à l’hiver 2008: fini la caméra à 80 000 euros, elle n’en coûte plus que 10 000. Arrive le révolutionnaire Canon 5D Mark II: pour 3 000 euros, cet appareil photo, qui fait aussi des vidéos évoquant le rendu 16 mm, est suffisamment bluffant que pour tourner des docs visuellement ambitieux mais aussi de la fiction. Comme le dernier épisode de la saison 6 de Dr House. Reste maintenant à trouver la version poche de la caméra 3D et une nouvelle génération suivra les docs Pina de Wenders ou La grotte des rêves perdus d’Herzog. Ceux-là sont destinés au grand écran, comme les films des festivals mentionnés au sein de ce Making Of. Pour beaucoup d’entre eux, ce sera d’ailleurs la seule occasion de les avoir sous notre radar… l

(1) ET SON COMPARSE HOLLANDAIS JORIS IVENS.

PINK SCREENS, WWW.PINKSCREENS.ORG, MOUSSEM, WWW.MOUSSEM.BE, FILMER À TOUT PRIX, WWW.FATP.BE, FESTIVAL DES LIBERTÉS, WWW.FESTIVALDESLIBERTES.BE

PHILIPPE CORNET

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