Second long métrage de Fabrice Du Welz, Vinyan déborde du cadre du film de genre pour lorgner le drame psychologique suffocant.

C’était en 2004. Pour son premier long métrage, Fabrice Du Welz soumettait Laurent Lucas à un Calvaire passablement déjanté, si-gnant au passage une belle réussite de film de genre. Quatre ans plus tard, au tour d’Emmanuelle Béart de s’y coller, la comédienne plongeant au c£ur de l’enfer de Vinyan.  » J’aime mettre les acteurs sous pression« , s’amuse le réalisateur que l’on rencontre à la Mostra de Venise, en plein marathon promotionnel.  » Emmanuelle avait vu Calvaire , elle avait entendu parler de ce projet, et elle a demandé à son agent d’organiser une rencontre. J’étais fort surpris, mais j’ai vu dans son regard qu’il y avait un désir véritable de faire le film. Du jour où nous avons organisé une répétition avec elle et Rufus Sewell, c’est devenu une évidence. »

L’aventure de Vinyan, Fabrice Du Welz la portait depuis un moment déjà.  » J’ai écrit une première version du scénario avant de partir pour la Thaïlande où j’ai fait un long voyage à travers le pays. C’est là que le projet est vraiment arrivé à maturation. D’emblée, il s’agissait de faire du film une histoire de fantômes. Le tsunami, malgré tout le respect que je dois à ceux qui ont souffert de cette tragédie, n’était qu’un premier niveau. Vi-nyan traite plutôt de ses conséquences, ce qui me permettait aussi d’aborder les différences entre est et ouest, nos conceptions de la vie et de la mort, notamment. »

Défi extrême

Le tournage en Thaïlande, Du Welz le qualifie aujourd’hui de  » mouvementé« , et on est tout disposé à le croire.  » Nous étions six francophones sur place, encadrés par une équipe thaïlandaise. Nous avons dû nous adapter à leur méthode de travail. A quoi sont venues s’ajouter les difficultés liées à la mousson et la pluie, mais aussi au fait de tourner avec des enfants ou sur un bateau… » Une expérience que, recul aidant, il considère aujourd’hui avec philosophie:  » Cette aventure avait un côté initiatique. Il a fallu se battre contre tellement de problèmes pour venir à bout de ce film. En un sens, cette expérience m’a changé parce qu’elle représentait un défi extrême, à la fois enivrant et enrichissant. Ce n’est pas qu’un film de plus… »

On n’en doutait guère, à vrai dire, tant Vinyan présente des contours… apocalyptiques, réminiscents de films fameux.  » Benoît Debie, mon chef-opérateur, et moi, avions comme référence SoyCuba , de Mikhail Kalatozov. Mais il y en a beaucoup d’autres, d’Aguirre àDon’t Look Now . » Quant à Apocalypse Now, que le film évoque par plusieurs aspects?  » Cette comparaison me met mal à l’aise, c’est probablement le meilleur film de tous les temps. On parle de chefs-d’£uvre, là, alors que Vinyan essaye tout au plus d’être un bon film. Mais soit, il vaut incontestablement mieux être influencé par Coppola que par Jean Rolin… »

A défaut donc de vouloir se mesurer aux plus grands, Fabrice Du Welz considère-t-il que Vinyan s’inscrit dans la continuité de Calvaire?  » Ils sont similaires, même si avec Vinyan , j’essaye de tuer Calvaire , et de faire quelque chose de différent. J’avais en moi l’idée de tuer un film pour en faire un nouveau. En outre, il n’y a aucun second degré dans Vinyan , c’est un film sans humour, entièrement au premier degré. Alors que j’ai toujours considéréCalvaire comme une comédie. Noire, mais une comédie quand même. »

Quant au futur, il pourrait se décliner, pour le cinéaste, sous la forme d’une adaptation de L’île aux trente cercueils de Maurice Leblanc, pour l’heure au stade de projet. Un film qu’il souhaiterait, en tout état de cause, plus fédérateur que ses deux premiers:  » Avec Calvaire et Vi-nyan , j’ai divisé le public; je voudrais faire quelque chose de plus populaire. C’est mon côté schizophrène: je veux faire un film sans rien perdre de mon exigence, et rassembler des gens autour d’une histoire. Parce que là, je viens de faire deux films contre tout le monde. »

Entretien: Jean-François Pluijgers, à Venise.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content