Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Ecole secondaire spécialisée, La Clairière accueille des enfants et des adolescents handicapés mentaux. Les ateliers de dessin y prennent la forme d’un pur moment d’art « outsider ».

Dès l’entrée, l’£il est attiré par une représentation du couple royal. A la place des photos officielles qui sentent le biscuit Delacre mou, Maxence, un des élèves de La Clairière, a signé 2 portraits éclatants. Exit l’habituelle fixité de l’ordre établi, les 2 souverains paraissent vivants, pour la première fois. Deux étages plus haut, la galerie de portraits continue, Maxence encore -qui aurait cru qu’un jour on aurait eu envie d’accrocher le couple Sarkozy au mur?-, mais aussi Nour, David, Ibrahim, Astrid, Kenta… A chaque fois, un style identifiable, une patte que l’on s’amuse à déceler sans s’aider des signatures.  » J’entasse des tonnes d’£uvres à la maison, mes greniers en sont pleins », explique Nicole Babilas avec un enthousiasme qui cadre mal avec la motivation que l’on prête habituellement aux enseignants qui, comme elle, font valoir plus de 30 ans de carrière. Avec sa collègue Brigitte Paulet, Nicole Babilas anime les ateliers de dessin. Ensemble, elles assistent tous les jours à une explosion de formes et de couleurs qui n’a pas son pareil. Nicole Babilas précise:  » C’est incroyable de voir le côté intarissable de cette source. Ici, l’angoisse du vide et de la page blanche n’existe pas. Tout comme celle de l’erreur, personne ne dit jamais: « Je me suis trompé, je dois recommencer » . Les images jaillissent en permanence. » Nicole, qui a eu Pascal Duquenne comme élève, ne tarit pas d’éloges sur l’incroyable forge créative que représentent les sessions de 2 heures qu’elle propose à ses élèves. Pour saisir la fascinante richesse de ce qu’elle appelle une « a utre planète », elle réalise des photocopies des dessins en train de se faire.  » Au départ, je n’avais pas ce réflexe. C’est dommage, car la construction est aussi intéressante que le travail fini. On pourrait arrêter un dessin à n’importe quel moment, il serait toujours aussi interpellant. Il est incroyable de voir comment les formes surgissent, elles ne répondent pas aux logiques habituelles. » La structuration des £uvres n’est pas la seule à différer, d’autres éléments frappent, comme l’absence de la prégnance du temps -un dessin peut prendre une année entière. Autre constante: le portrait, qui constitue un genre majeur de l’art outsider n’est quasi envisagé que de façon frontale.  » Il existe une vraie résistance à dessiner un visage de profil. » N’empêche,  » tout est là », comme le dit Nicole Babilas, qui a beaucoup questionné son travail personnel à l’aune de ce qu’elle a pu voir.  » Il y a une immersion totale dans le moment présent, une expression des profondeurs qui me fait dire qu’on a plus à recevoir qu’à leur apprendre. » l

PORTRAITS DE FACE, ART & MARGES MUSÉE, 312-314, RUE HAUTE, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 15/05. WWW.ARTETMARGES.BE

MICHEL VERLINDEN

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