TIM PRESLEY, ALIAS WHITE FENCE, ENCHAÎNE SON CINQUIÈME ALBUM EN TROIS ANS ET SIGNE AVEC CYCLOPS REAP UN DISQUE PARFAIT ET SALE DE PSYCHÉDÉLISME DÉFONCÉ.

Son pote Ty Segall, dont il devait assurer la première partie, ayant annulé au Kreun courtraisien, c’est dans le décor défraîchi, kitsch et rock’n’roll du Watermoulin, tanière de l’underground tournaisien où il fera à nouveau une halte en juillet, que White Fence battait il y a quelques mois en retraite pour mieux nous raconter sa vie et nous mettre la fessée à coups de riffs électriques et de psychédélisme échevelé.

White Fence, le nom d’un des plus vieux gangs de Los Angeles, c’est en fait Tim Presley. Californien à l’âge christique, Presley a grandi à San Mateo, dans la Bay Area. A 20 minutes de San Francisco. « Je n’étais pas très plage. Il fait trop froid pour nager… Pas plus que je n’ai été biberonné aux Beach Boys. Sincèrement, le premier truc qui m’a chauffé, c’était la scène punk de Berkeley. Le label Lookout! Records (Green Day, Rancid, Operation Ivy, Neurosis…) et le club, le 924 Gilman Street, qui lui servait de repaire. Un peu notre CBGB… Je me souviens encore du moment où je me suis mis en tête de consacrer ma vie à la musique. De ce jour incroyable où j’ai entendu les Ramones et Black Flag pour la première fois. Ils m’ont mis un énorme coup de pied au cul. »

S’il se passionne également pour The Doors, Jimi Hendrix, le Grateful Dead, Love, les 13th Floor Elevators -« tous ces mecs m’ont donné envie de faire une musique spéciale« -, Presley a tapé dans le punk hardcore au sein de The Nerve Agents avant de se lancer dans le psychédélisme.

« On s’en sortait plutôt bien. On avait du monde à nos concerts et on vendait pas mal de merchandising. Mais le hardcore est un type de musique presque sacré. Dans le milieu, tu ne penses pas à signer avec une structure commerciale. Du moins, mon ethos ne me l’aurait pas permis. Le premier projet qui m’ait fait voir d’un peu plus près la couleur du pognon, c’est Darker My Love. »

Un groupe d’indie rock psychédélique fondé en 2004 avec Andy Granelli, le batteur de feu les Distillers.

« Du temps s’est écoulé avant que je me mette à vraiment comprendre ce que je faisais. J’ai commencé à écrire beaucoup de choses à partir de 2008. Beaucoup de trucs dans mon coin. Dans ma chambre. Mon frangin m’a motivé. Je m’étais barré à Los Angeles. Il a monté un groupe à San Francisco. J’ai pointé ma gueule et il connaissait toutes les chansons. »

Run run run

Prolifique, hyperactif, Presley, qui a notamment joué avec les Strange Boys, suinte la musique par tous les pores. En trois ans, le Californien a accouché de cinq disques. Il a aussi partagé un EP, le formidable Hair, avec monsieur Ty Segall. « Mon frère connaissait mieux Ty que moi. J’ai entendu qu’il aimait les disques de White Fence. A tout le moins le premier. Et on s’est mis en tête de sortir un split. Je pensais qu’on enregistrerait chacun de notre côté mais il était en studio. Je l’y ai rejoint et tout s’est enchaîné. »

Tim a aussi participé à la relecture par Castle Face Records de l’album à la banane cher au Velvet Underground. Immortalisant un Run Run Run déglingué à souhait. « Le label a envoyé un mail à tous les mecs qui avaient sorti des trucs chez lui et comme j’avais participé à l’un de ses projets collaboratifs, je me suis retrouvé parmi les destinataires. J’ai toujours adoré l’intensité de cette chanson. Et je voyais qu’il y avait de la place pour que je fasse mon truc. Sans rester trop près de la version originale. En pouvant expérimenter et pas juste me contenter d’en jouer bêtement les accords. »

Son nouvel album, Cyclops Reap, condensé bordélique et halluciné de psychédélisme sixties au son cracra qui évoquera tour à tour Syd Barrett, les Byrds, le Velvet aussi, White Fence le sort justement sur Castle Face. Le label de John Dwyer (Thee Oh Sees). « John est un bon ami à moi. Je pensais a priori compiler tous les morceaux que je n’avais jamais mis sur disque. Une cassette. Sans promotion. Rien d’important. Mais pendant que je les rassemblais, j’ai écrit de nouvelles chansons. Et je me suis dit qu’il serait sans doute un peu con d’avoir en permanence une guerre de retard. »

Comme il l’avait déjà fait avec Ty Segall pour le premier volume de Family Perfume ou avec Jeremy Earl, le leader de Woods et patron du label Woodsist, Presley a envoyé à Dwyer une vingtaine de morceaux enregistrés chez lui, dans son appartement d’Echo Park. Puis, il l’a laissé choisir. « John en a retenu cinq pour un EP mais je tenais à en publier d’autres. On en a donc fait un album. C’est important d’avoir l’avis d’hommes de confiance. A force d’être noyé dans tes chansons, tu finis par te brûler. Par perdre tout discernement. » Le Cyclope, cette créature mythologique à un oeil qui s’est glissée dans le titre de son dernier album, résume plutôt bien le rapport de Presley à la musique. « Elle m’obsède. Tu peux pas imaginer. Il m’arrive de ne faire que ça du soir au matin. Ne m’arrêtant que pour nourrir le chat. »

Et pas sûr que le bonhomme va ralentir le rythme. « J’ai l’impression que toutes ces putains de chansons sont mes gosses. Et que si je ne les sors pas, je ne leur permets pas de naître. Comme si j’avortais… Je veux pouvoir balancer un disque vraiment solide par an mais le cerveau ne suit pas toujours la cadence. » Jusqu’ici, tout va bien…

CYCLOPS REAP, CHEZ CASTLE FACE. (****)

LE 19/05 AU MAGASIN 4 (BRUXELLES), LE 22/07 AU WATERMOULIN (TOURNAI) ET LE 23/07 AU BOOMTOWN (GAND).

TEXTE JULIEN BROQUET

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