Ainsi vont les choses

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Réalisateur de Butch Cassidy, George Roy Hill signait, une adaptation fidèle d’Abattoir 5, l’audacieux pamphlet anti-guerre de Kurt Vonnegut.

La postérité a essentiellement retenu de George Roy Hill qu’il fut, au tournant des années 70, le réalisateur de deux immenses succès portés par le duo Paul Newman-Robert Redford, Butch Cassidy & the Sundance Kid (1969) et The Sting (1973), lauréats respectivement de quatre et sept Oscars. Le cinéaste originaire de Minneapolis devait signer d’autres coups d’éclat, s’attelant notamment dans l’intervalle, en 1971, à une tâche présumée impossible: l’adaptation de Slaughterhouse-Five (Abattoir 5 ou La Croisade des enfants), roman culte de Kurt Vonnegut paru deux ans plus tôt.

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Figure-phare de la contre-culture américaine, l’écrivain y revenait sur son expérience de la Seconde Guerre mondiale lorsque, fait prisonnier par les Allemands, il n’avait dû qu’à un miracle d’échapper aux bombardements alliés sur Dresde qui, dans la funeste nuit du 13 au 14 février 1945, devaient faire des morts par dizaines de milliers. Un épisode traumatisant qui allait prendre sous sa plume la forme d’un roman de science-fiction accompagnant un “héros” paradoxal ayant le don de sauter dans le temps et l’espace pour dénoncer avec virulence l’absurdité de la guerre.

S’il fait l’économie de l’expression “Ainsi vont les choses” qui ponctue de nombreuses scènes du roman, Hill signe pourtant une adaptation fidèle du récit de Vonnegut. On y découvre Billy Pilgrim (Michael Sacks), vétéran de la guerre 40-45 et opticien de la petite ville d’Ilium, un homme “décroché du temps” qu’il arpente en tous sens, faculté ayant le don de déstabiliser son entourage. Et de naviguer au son de Glenn Gould entre présent, passé et futur, revivant sa captivité en Allemagne ou anticipant un crash aérien dans le Vermont, quand il ne trouve pas refuge en accorte compagnie sur la planète Trafalmadore dont les habitants l’exhibent dans un dôme géodésique… Perry King, qui campe à l’écran Robert, le fils de Billy Pilgrim, regrette, dans l’un des bonus, que le film n’ait peut-être pas été “aussi percutant que l’aurait voulu Vonnegut”. Voire: en déconstruisant le fil linéaire de la narration tout en glissant avec fluidité du film de guerre à l’anticipation -avec, en option, l’un ou l’autre moment de comédie, et même une scène automobile défiant l’entendement-, George Roy Hill rend justice à l’œuvre du romancier, dont il va jusqu’à retrouver le ton. Et notamment son profond désenchantement, doublé d’une condamnation sans ambages de la guerre. L’on ne peut d’ailleurs que rejoindre l’excellent Jean-Baptiste Thoret qui, dans son analyse pertinente, voit dans Abattoir 5 un pendant au M.A.S.H. de Robert Altman, les deux films dénonçant, de manière à peine détournée, l’engagement américain au Viêtnam. Un must, disponible pour la première fois en Blu-ray dans une impeccable restauration 4K.

Abattoir 5 ****

De George Roy Hill. Avec Michael Sachs, Ron Liebman. 1 h 43. Dist: Carlotta. Disponible en Blu-ray et en édition prestige dès le 18/04.

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