Affranchissements

On aime parfois les livres différents, « un peu artiste » comme on dit de quelqu’un qui se comporte et s’habille marginalement. Affranchissements, de Muriel Pic, a tout pour nous séduire: plein de photos, de reproductions de timbres et d’oeuvres d’art, des poèmes impromptus, on ne sait pas trop si c’est un roman ou une enquête… Il est écrit « récit » sur la couverture -on aurait plutôt dit « errance érudite ». En 2001, Jim, le grand-oncle de l’autrice, atteint de tuberculose osseuse, meurt à Londres. Même s’ils se voyaient très peu, et malgré l’essoufflement de son intérêt pour la philatélie, Jim lui envoyait régulièrement des timbres. Bouleversée par ses derniers envois reçus peu après sa mort, elle se sent redevable, « une obscure culpabilité (l)’oblitère »… La dernière fois qu’elle a vu Jim, elle venait de se procurer Spring and All, de William Carlos Williams. Elle retranscrit, en anglais et en français, quelques vers. Ceux-ci vont guider l’autrice dans cette sorte d’enquête qu’elle va débuter en se rendant sur les lieux qui ont marqué la vie de Jim, comme l’Hôtel Bellevue à Menton, où il a grandi.  » Un fantôme est entré dans (s)a nuit. Il (la) possède et (elle) ne veux pas d’exorcisme. » Ses propres poèmes vont alors surgir par surprise aux fil des pages, là-aussi dans les deux langues. De digressions en inventaire, de cours de botanique (une des passions de Jim) en mentions de Louis Zukofsky ( lire la critique de son monumental « A », page 38), Muriel Pic nous entraîne dans sa rêverie, et paie au passage sa dette à son grand-oncle -le véritable but de cette quête éperdue.

De Muriel Pic, éditions du Seuil, 288 pages.

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