Elle aurait pu virer métal. A la place, Adele sort un premier album folk & soul éblouissant, sensation du moment. La jeune Londonienne explique pourquoi il s’en est fallu d’un cheveu…

ela ne s’annonce pas forcément bien. Cloîtrée dans la chambre de son hôtel bruxellois, Adele semble traîner la patte. Pas envie de travailler. Caprice de star? Ce n’est en tous cas pas son label qui va la brusquer. Précédée par un buzz insensé, croulant sous les louanges avant même que son album, 19, ne soit sorti ( lire Focus 29/02), Adele (Adkins) est la sensation du moment. Une voix soul, des chansons solides. Et la perspective pour sa maison de disques de s’assurer un confortable matelas pour les années à venir, si elle arrive à refaire le coup d’Amy Winehouse. Quitte à ce qu’Adele adopte la même série de caprices? Ce n’est pas (encore?) le cas. Quand on la rencontre finalement, la jeune femme est certes fatiguée, mais affable, bavarde. En fait, elle correspond assez bien à l’idée que l’on se fait de l’ado londonienne d’aujourd’hui. Décomplexée, le rire bruyant, le verbe gouailleur.

Il y a deux ans, Adele était encore à l’école (la Brit School). Aujourd’hui, elle enchaîne les allers-retours entre Londres et New York. Pour le coup, on lui a proposé une interview « première fois ». Cela a donné à peu près ceci…

Focus: le premier poster dans la chambre d’ado?

Adele: East 17! J’avais 5 ans, j’étais fan. C’était l’époque de Take That aussi. Mais ils étaient de Manchester, et je suis de Londres. Mon choix était donc vite fait.

Le premier disque?

Probablement I Don’t Wanna Miss A Thing d’Aerosmith sur la BO du film Armageddon. Je devais avoir 10 ans. Mais après ça, c’était les Beatles, Abbey Road. Ce n’était pas le premier Beatles à la maison, mais je voulais avoir le mien.

Il paraît que vous avez également été fan de groupes métal comme Slipknot et Korn…

Oui! Mais je n’aimais pas leur musique. Je la haïssais même, cela m’effrayait complètement. J’avais juste le look un peu grunge ou gothique: le maquillage noir, tout ça… Comme tous mes potes en fait. J’avais alors 14 ans, le grand mensonge a duré un an.

Quel a été le déclic?

Je trainais au HMV, la chaîne de magasins de disques. Dans celui d’Oxford Street, il y a une espèce de grande cage en verre dans laquelle se trouvent les rayons soul et jazz. C’est un peu la pièce des parents dans laquelle vous ne pouvez pas rentrer. Mais cette fois-là, j’ai décidé d’aller y voir de plus près. Je suis tombée sur les bacs à CD qui contenaient des albums d’Etta James et Ella Fitzgerald. Je les connaissais à peine. J’avais déjà vaguement entendu Ella Fitzgerald, mais jamais Etta James. Par contre, j’adorais leur coiffure sur les pochettes. Comme j’ai un cousin qui travaille dans un salon, je lui ai apporté les CD avec l’idée de me faire faire la même coupe très classe, avec cette vague dans les cheveux. Finalement, cela n’a pas dépassé le stade de l’intention. Entre-temps je suis rentrée dans la musique et aujourd’hui Etta James est ma chanteuse favorite!

C’est toujours ce que vous écoutez?

Oui, mais pas seulement. J’adore le disque des Vampire Weekend par exemple. J’ai essayé plusieurs fois d’aller les voir en concert, mais quand ils étaient en Europe, j’étais à New York, et inversement. Ou alors, comme à Los Angeles, je n’ai pas pu rentrer parce que je n’avais pas 21 ans. Finalement, j’ai réussi à les choper à Londres, le mois dernier. Mais au milieu du concert, on a dû sortir à cause du déclenchement d’une alarme incendie! Sinon, il y a Amy Winehouse évidemment, dont j’écoute toujours régulièrement le Back To Black.

Quand la musique est-elle pour la première fois devenue une évidence?

C’est assez récent en fait. J’ai quitté l’école en mai 2006; en juillet, on m’a proposé un contrat via ma page Myspace. Ce n’est qu’à partir du moment où l’on a commencé à me consacrer de l’argent, du temps, de l’énergie… que j’ai pensé que ma vie pourrait tourner autour de la musique. J’ai toujours chanté. Mais je n’ai jamais cru en faire un métier, je ne pensais pas qu’une telle chose soit possible… J’ai grandi en écoutant des méga stars pop, des divas R’n’B comme Mary J Blige ou Mariah Carey. Des gens qui apparaissaient intouchables en fait. Cela n’était pas pour moi.

En même temps, vous vous êtes inscrite à la Brit School, une école artistique dont sont récemment sortis des gens comme Amy Winehouse, Lily Allen, Kate Nash,…

Oui, mais vous savez, la Brit School s’est ouverte il y a 16 ans. Sur les 50 000 personnes qui en sont sorties, sept sont devenues célèbres. Cela ne vous donne donc aucune garantie…

La première télévision?

Le rêve et le cauchemar à la fois. C’était à la BBC, au Later with Jools Holland ( Ndlr, équivalent britannique haut de gamme de Taratata), mon émission préférée, qu’on regarde chaque vendredi soir, ma mère et moi. Je suis donc arrivée là morte de trouille, me retrouvant à côté de gens comme Bjork ou Paul McCartney! Ma mère était là, au premier rang, n’arrêtant pas de pleurer. C’était terrible! Je me demande encore comment j’ai réussi à chanter quoi que ce soit.

L’une des chansons de 19 s’intitule First love

Avant mes 16 ans, je chantais surtout les chansons des autres. Et quand je voulais écrire les miennes, j’essayais de raconter des histoires, d’inventer des situations. Le problème est que je ne croyais jamais vraiment à ce que je chantais. Du coup, en mai de l’an dernier, je n’avais que trois morceaux. Les trois mêmes que lors de la signature de mon contrat l’année précédente. Et puis j’ai rencontré mon boyfriend, devenu depuis mon ex. C’était la première fois que je vivais une relation aussi intense. Quand cela s’est terminé, cela m’a fait très mal. La chance, c’est que cela m’a aussi donné de quoi écrire. En fait, je ne suis créative que quand ça va mal, quand je me sens comme une m… Je ne cherche pas les peines de c£ur, mais là ça m’a permis d’en faire un album, donc je suis ravie.

On parle souvent de votre voix, moins du fait que vous avez écrit la quasi-totalité de vos chansons…

En Angleterre, je suis cataloguée pop star et du coup, en tant que telle, ma crédibilité est plutôt dans ma voix. Le reste est moins important. En fait, il n’y a pas grand-monde pour lire les notes de pochette, et se rendre compte que je suis l’auteur de mes chansons. Soit. Ce n’est pas grave. Je le sais moi, et quand j’entends le public reprendre les mots que j’ai posés seule dans ma chambre, c’est toujours très étrange.

ENTRETIEN LAURENT HOEBRECHTS

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