À l’assaut de Hollywood

Nicolas Bogaerts Journaliste

Dans les replis de l’histoire officielle, Propaganda Films a révolutionné les codes visuels des années 80-90.

Génération Propaganda

De Benoit Marchisio, Playlist Society, 148 pages.

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La petite maison d’édition Playlist Society développe depuis une poignée d’années un journalisme d’obsessions, s’attardant sur les personnalités qui ont marqué l’histoire culturelle récente et posé les jalons d’une esthétique toujours influente. Après Terrence Malick et l’Amérique (Alexandre Mathis), L’horizon de Michael Mann (Axel Cadieux), Benoit Marchisio (SoFilm) s’est penché sur l’histoire de Propaganda Films, société lancée en 1986 par les réalisateurs David Fincher, Greg Gold, Nigel Dick, Dominic Sena et les producteurs Steve Golin and Sigurjón Sighvatsson. En une demi-douzaine d’années, ils ont grimpé le cursus honorum menant à Hollywood. Ils ont marqué chaque étape de leur griffe: audaces formelles, maîtrise technique, images tape-à-l’oeil et ce high concept capable de résumer un récit visuel en quelques mots… Les créatifs avaient leurs doigts sur le pouls de la génération MTV, qu’ils ont tenté de répercuter dans des films au grain millésimé, courant après un succès à la fois critique et commercial qui ne vint jamais vraiment.

Tout a commencé avec la révolution du clip musical. Très intelligemment, Benoit Marchisio retrace son histoire depuis les années 70, initiée avec le Bohemian Rhapsody de Queen (Bruce Gowers, 1975). Il raconte la tornade MTV qui sévit au début des années 80 et attire des millions de kids devant leur petit écran pour les premières séances de binge watching au son des Buggles, de Cindy Lauper, Dire Straits, Michael Jackson… Bientôt rejoints par Michael Bay puis Spike Jonze, Fincher et sa bande vont prendre le train en marche, saisir les commandes de la locomotive et imposer leurs codes, travaillant pour Madonna, Janet Jackson, Beastie Boys, Daft Punk… et tant d’autres qui profiteront des expérimentations in house du collectif. Le changement visuel opéré par Propaganda va infecter les publicités (Coca-Cola, Nike…), suivant une stratégie commerciale clairement assumée, censée mener vers le graal absolu: Hollywood. Avec force témoins, réalisateurs, producteurs et collaborateurs, Benoit Marchisio reconstitue patiemment les étapes d’une ascension fulgurante et de son contexte culturel et industriel. Elle passera par la fiction télévisée: Twin Peaks de David Lynch ou les premiers balbutiements de Beverly Hills 90210. Enfin parvenus à l’échelon cinéma, ce sera le grand écart entre Kalifornia (Dominic Sena, 1993 ) et Barb Wire (David Hogan, 1996), Bad Boys (Michael Bay, 1995) et Being John Malkovich (Spike Jonze, 1999), chant du cygne d’une société finalement démantelée par sa maison mère, Polygram, alors que ses talents partent vers d’autres destinées, tel Fincher qui, avec Se7en, Zodiac, Social Network, s’envole vers une reconnaissance qu’il n’aura jamais cessé de chercher.

Nicolas Bogaerts

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