Gilles Béat, le réalisateur de Rue Barbare, retrouve le grand écran pour Diamant 13, un polar réunissant Olivier Marchal et Gérard Depardieu. Focus est descendu sur les lieux du tournage.

La place du Palais de Justice, à Luxembourg, par une matinée maussade. L’équipe de Diamant 13 entame, sous le regard de quelques curieux, son quarantième jour de tournage – la feuille de service prévoit des plans en extérieur, encadrant une scène de fusillade. « La scène western du film », s’amuse le réalisateur Gilles Béat, avant de donner ses instructions à Gérard Depardieu et Olivier Marchal, installés dans une Citroën.

Gilles Béat, c’est le réalisateur de Rue Barbare, une adaptation de David Goodis et un carton du cinéma français des années 80 – souvenez-vous, Bernard Giraudeau s’y employait en justicier laconique, face à Bernard-Pierre Donnadieu et sa bande de petites frappes. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts: quelques films plus loin ( Charlie Dingo, avec Guy Marchand, Dancing Machine, avec Alain Delon,…), Béat s’arrêtait à la case télévision, pour ne pratiquement plus la quitter jusqu’à aujourd’hui.

FLICS D’EN BAS

Cela fait pourtant maintenant une bonne dizaine d’années qu’il souhaitait adapter L’Etage des morts, le roman d’Hugues Pagan ayant inspiré Diamant 13: « J’ai tout de suite été fasciné par son univers, cela me faisait penser à Goodis, Hammett, les grands auteurs du roman noir américain, explique le cinéaste. Pagan a un univers un peu cousin, il va creuser la psychologie des flics d’en bas, sur le terrain. J’ai donc voulu adapter ce roman, mais je suis tombé à une époque où, étrangement, le cinéma de genre, noir, n’intéressait plus les producteurs en France. » Béat prend son mal en patience, s’attèle à d’autres projets, tout en gardant celui-ci sous le coude.

L’intérêt d’Olivier Marchal, acteur / scénariste / réalisateur de polars à succès (on lui doit notamment 36 Quai des Orfèvres et MR 73), bientôt suivi de celui du producteur belge Patrick Quinet, et de sa société Artemis, relancent la mécanique. Le film se monte, avec encore le concours de Samsa Film et de MK2, autour des noms de Daniel Auteuil et Olivier Marchal. Moment où, début novembre, à quelques semaines de commencer à tourner, Auteuil fait faux bond, pour des questions d’agenda. « Olivier Marchal, qui devait jouer le premier rôle, a proposé de prendre le second, et d’appeler Gérard Depardieu, avec qui il avait travaillé sur 36 , pour lui proposer le rôle principal. Depardieu était en Israël, on lui a envoyé le scénario, et deux jours plus tard, il acceptait », explique Patrick Quinet. Un producteur à qui l’acteur, qui a revu son salaire à la baisse, donne désormais du « Patrick pas d’fric », en écho à l’étroitesse du budget d’ensemble (6,8 millions d’euros). Les derniers rouages huilés, le tournage peut débuter en février, pour s’étaler sur huit semaines, réparties entre Belgique et Luxembourg.

UN REBUS

Diamant 13, c’est donc le nom de code et l’histoire d’un flic, Mat (Depardieu), illusions en berne et mal-être pesant, obligé par des circonstances dramatiques à revenir à la vie: « C’est la prise de conscience d’un homme intègre dans un monde corrompu », explique le réalisateur. L’univers dans lequel il évolue prend à l’écran les contours d’une anonyme ville portuaire du nord. Les cadres de tournage se sont multipliés, pour composer ce que Patrick Quinet appelle « le rébus de la production: il fallait une ville portuaire, nous avons tourné à Anvers; glauque, nous avons tourné à Charleroi; riche, nous avons tourné à Bruges ». Dans le cas de Luxembourg, il s’agissait de restituer un sentiment de no man’s land. Cradingue, en sus – jonchée d’immondices disposées avec soin, la place où l’équipe s’est installée affiche une tendance dépotoir prononcée. Arrosée un peu plus tard à la lance d’incendie, elle y trouvera en outre cette fine couche humide des matins tristes.

Décor idoine, puisqu’on va aujourd’hui joyeusement se dessouder. Nerveuse, la scène de fusillade, impliquant Depardieu, Marchal et Erico Salamone se situe au début du film. Elle est réglée comme du papier à musique: quelques répétitions pour les déplacements des comédiens et le rappel des mouvements d’appareil, un nombre minimum de prises, l’efficacité règne. Tout au plus si de timides incursions du soleil bousculent par moments le plan de travail.

Appliquée, l’atmosphère est aussi détendue; c’est que Gérard Depardieu prend un plaisir manifeste à jouer à flics et voyous, « pan-pan » retentissants et éclats tonitruants à l’appui. Imparable lorsqu’il s’agit de faire rire la galerie entre les prises, le comédien s’avère pro jusqu’au bout des ongles une fois le traditionnel « Action » prononcé. Sans transition, voilà alors l’amuseur jouant sa pièce à la perfection, à moins qu’il ne doive, cette fois, enchaîner sans sourciller, coup de fil et coups de feu. Des tirs nourris sont d’ailleurs échangés; Depardieu s’affale, dans un râle ultime, sur le capot d’une voiture, bientôt rejoint par Olivier Marchal. Suite à l’écran à la fin de l’année, ce diamant devant encore être poli pendant quelques mois…

TETXE JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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