Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

20.45 BE 1

D’ ERIK SILANCE.Coupable. Quand Léopold Storme, 23 ans, entend le verdict de la cour d’assises de Bruxelles, il est terrassé par le choc. Le téléspectateur d’ A charge ou à décharge n’en sort pas non plus indemne: l’expression d’un gamin se débattant seul dans les mailles du filet de la justice -sa mâchoire prête à se décrocher, ses yeux tombant de leurs orbites- tord le ventre. Qu’il soit ou non derrière le meurtre sauvage de ses parents et de sa s£ur dans leur magasin des Marolles, en juin 2007.

A l’issue de ce film signé Erik Silance, on peut difficilement se prononcer sur sa culpabilité. La seule certitude qui se dessine pour le spectateur est celle du doute. Un doute qui doit profiter à l’accusé. « Je suis content de ne pas avoir été juré dans ce procès », confie Erik Silance. Les jurés, eux, ont condamné le jeune homme à 26 ans de prison. Une peine clémente s’il est coupable, monstrueuse s’il ne l’est pas et qu’il doit ajouter à son deuil une injuste privation de liberté.

Sans commentaire, Erik Silance retrace chronologiquement son procès exceptionnel -sans tomber, justement, dans le réquisitoire à charge ou à décharge. Un mois de tournage, quelques jours à peine de montage -le rideau est tombé sur la cour d’assises de l’arrondissement de Bruxelles-Capitale à la fin du mois d’octobre. « On ne s’est pas concentré sur son passé, ses études, ses relations, mais sur les faits. Ce n’est pas un sujet sur l’enquête ni sur l’affaire… C’est un sujet sur le procès. « 

Timbre brisé

Et de fait, c’est tout le mécanisme du fonctionnement de la justice pénale qui se déploie et s’expose crûment face aux caméras. Sa mise en scène, son archaïsme quelquefois. Et, paradoxalement, ses côtés inhumains et humains à la fois. Le gigantisme d’une institution codifiée à l’extrême, et les tourments sincères qui remuent ses protagonistes. Ainsi de Me Mayence, convaincu de l’innocence de son client, visiblement profondément choqué que le jury populaire ne l’ait pas suivi. Ainsi de l’ancien étudiant de l’ULB qui se défend maladroitement d’avoir décimé sa famille, le timbre brisé, qui dit « papa » et « maman », qui pleure tandis que la présidente Karine Gérard l’exhorte à poursuivre son récit plus fort, plus vite. L’homme face à la foule, l’individu face au bulldozer de la masse… Erik Silance, juriste de formation, est fils d’avocat. « Mon père me disait que si quelqu’un était pris dans les mailles de la justice pénale, la machine avait une telle force qu’il était difficile voire impossible de s’en dépêtrer. Cette réflexion m’est revenue en tête pendant le tournage de ce film.  » Un document d’une force rare.

Myriam Leroy

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