LE PLUS ÉCLECTIQUE DES JEUNES CINÉASTES BELGES BOUFFE DU CURÉ DANS UN FILM ÉTONNANT, À LA DIFFUSION POUR LE MOINS ÉTONNANTE.

Vincent Lannoo n’arrête plus. Le réalisateur de Strass avait révélé l’an dernier son film américain Little Glory. Voici qu’il sort déjà son nouvel opus, le sulfureux Au nom du fils, non sans avoir déjà tourné le prochain, dans lequel jouent notamment Pierre Richard et Julie Gayet! « Joachim Lafosse dit qu’un réalisateur qui ne tourne pas n’est pas un réalisateur, alors moi j’applique!« , déclare avec un grand sourire celui qu’une révolte salutaire a poussé à entreprendre Au nom du fils. « Avec mon coscénariste Philippe Falardeau (1), on s’était interrogés sur la foi, sur la manière d’intégrer à ce débat la pédophilie dont les scandales se révélaient l’un après l’autre (c’était il y a trois ans, ndlr). Comment quelqu’un qui croit intègre-t-il cela? Comment peut-il vivre avec ça, avec le silence de l’Eglise qui balaie tout d’un revers de la main? Les discours les plus hallucinants sur la pédophilie tenus par des prêtres dans le film sont des textes authentiques, qu’on a pu entendre ou lire. Des choses horribles, qui nous ont complètement déstabilisés. Comme quand était mise en avant la supposée perversité des enfants… Et pas par des petits curés! Par des membres importants de l’Eglise… » L’idée du personnage vengeur, qui fait le trajet inversé de la découverte de la foi, intéressait beaucoup Lannoo, pour qui « le fait qu’un personnage puisse se sauver en tournant le dos à cette religion qu’il pensait au départ salvatrice » était quelque chose de fort, d’important. L’intelligence d’Au nom du fils est de n’avoir pas présenté le prêtre abuseur comme un monstre aberrant. D’ailleurs, tout en rondeur et en sourire timide, le bon père est -comme c’est le fait aussi des vampires- invité par la mère de sa future victime. « Il est accueilli, lui le loup dans la bergerie, avec cette joie très chrétienne, cette joie de bonne soeur, qui n’est pas à confondre avec le bonheur« , commente le réalisateur qui affirme haut et fort n’avoir « pas voulu faire un film totalement manichéen, en montrant notamment la tendresse de ce curé, une tendresse qui ne l’absout de rien. Astrid Whettnall, mon actrice principale, qui joue la mère vengeresse, me rappelait souvent de ne pas céder à quelque faiblesse envers ce curé. Elle avait cette colère permanente et naturelle de maman contre lui… »

A la carte

Le rôle a été écrit directement pour cette comédienne « d’un talent et d’une générosité incroyables« , dont l’interprétation ne suscite que des louanges partout où le film est vu. OEuvre inclassable et promise à la polémique, Au nom du fils a fait le tour de presque tous les festivals belges (il reste le BIFFF, où il devrait faire un malheur). Il va connaître une distribution un peu particulière. Un des films précédents de Vincent Lannoo, le délectable Vampires, avait déjà fait l’objet d’une sortie télévisée en VOD (vidéo à la demande) avant une apparition en salles… qui ne s’était jamais produite en Belgique. Cette fois-ci, le film va bel et bien sortir dans le circuit commercial et art et essai, mais d’une manière particulière: négocier avec les exploitants une présence durable, ne dépendant pas des résultats potentiellement cruels de la fréquentation des premiers jours. « L’idée, explique le réalisateur, c’est d’aller chercher les gens, de leur donner envie, en se rapprochant d’eux, en s’installant dans des salles pour une certaine durée, de travailler sur la longueur, de créer des événements, même sur le long terme, de manière très personnalisée. » Cette tactique de distribution « à la carte », certains dans la profession la soupçonnent de fausser le marché, en bradant la part revenant au distributeur en échange d’une présence plus longue en salle… « Mais quel est donc l’enjeu? Ce n’est qu’un essai, sans prétention ni arrogance, dans un cadre global où les choses ne vont pas bien telles qu’elles sont« , réagit un cinéaste qui conclut avec des étoiles dans les yeux: « Quand j’étais petit, j’avais déjà envie de faire des films. Et si je n’avais pas l’intention de faire des films débiles, j’avais encore bien moins celle de faire des films potentiellement ennuyants. Je veux mettre mon plaisir de cinéaste au service du plaisir du spectateur. Je me fous d’être un peu moins brillant que certains, mais je ne veux pas emmerder les gens. Si, en plus, quelques-uns de mes films restent, dans la DVDthèque de l’un ou de l’autre, dans les échanges sur Internet, ici et ailleurs dans le monde, je suis parfaitement heureux! »

(1) LE JEUNE RÉALISATEUR QUÉBÉCOIS DU POIGNANT MONSIEUR LAZHAR.

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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