DEPUIS UN AN ET QUATRE NUMÉROS, LA REVUE DE RÉCITS GRAPHIQUES 64_PAGE PUBLIE DE JEUNES AUTEURS JUSQUE-LÀ JAMAIS PUBLIÉS SUR PAPIER. UNE LIGNE ÉDITORIALE MÊLANT EXIGENCE ET DÉCOUVERTE, QU’ILS SONT LES DERNIERS À DÉFENDRE.

Les nouveaux magazines de bande dessinée -qui durent- sont devenus denrée rare; les revues qui consacrent au moins 50 % de leur contenu à de jeunes auteurs jamais publiés encore plus -on n’en connaissait pas jusque-là. C’est dire si 64_page apparaît depuis un an comme une incongruité dans le paysage graphique et bédéiste belge, l’esthétisme en plus: en quatre trimestriels d’excellente facture, 64_page a publié les récits de 17 jeunes auteurs, venus de tous les horizons, autre incongruité du projet, qui se veut « apolitique » et « aécole » dans un monde bâti sur des clochers. « Pour être publié dans la revue, il suffit de n’avoir jamais été publié sur papier, et de nous proposer un récit, quel que soit son âge, son parcours ou sa nationalité », explique Philippe Decloux, coordinateur de la revue et cofondateur de cette belle idée qui tient parfois du sacerdoce, en compagnie de l’éditeur Robert Nahum, l’enseignant Vincent Baudoux et l’auteur Olivier Grenson. « Les projets sont simplement choisis, et suivis, par un comité de lecture. Nous essayons d’être pointus, de beaucoup discuter avec les auteurs, mais sans jamais être brutal. Ça aussi, je crois que c’est rare. »

Comme revendiqué au dos de chaque numéro, 64_page propose ainsi un espace rare de création, sans limites de techniques ou de sujets. « Mais il s’agit aussi de les confronter aux lecteurs, à leurs pairs et de ne pas faire fuir les lecteurs qui ne sont pas systématiquement attirés par la nouveauté ou l’avant-garde, précise Robert Nahum, éditeur de la revue avec 180° éditions: chaque numéro présente aussi des articles et des illustrations autour de trois auteurs ayant déjà publié: un jeune, un confirmé et une gloire du 9e art (parmi lesquels René Hausman, Bara, Brecht Evens, Marc-Antoine Mathieu, Romain Renard, Sacha Goerg, Wilfrid Lupano… NDLR). Et chaque numéro est envoyé, à nos frais, à près de 400 personnes, tous « professionnels de la profession », puisque le but, c’est de faire connaître ces auteurs en devenir, mais qui ne possèdent plus aucun espace éditorial pour se faire connaître! »

La BD, plus violente que le livre

Une revue d’excellente qualité, une ligne éditoriale qui tient presque du service public et d’une modernité bienvenue, du beau monde au balcon… La vie de 64_page devrait être un long fleuve tranquille salué depuis les rives -le Centre belge de la bande dessinée vient d’ailleurs de lui consacrer une exposition, sa première- il n’en est évidemment rien… « Tous les rédacteurs et participants du comité sont bénévoles, et si l’équilibre financier était atteint à chaque numéro, ce serait déjà le paradis, ironise Robert Nahum. Mais nous ne recevons aucune aide publique, aucune aide à la création, malgré nos demandes. La dernière fois, c’est parce que nous n’étions pas assez axés sur Internet et l’édition numérique… Je dois reconnaître que le monde de la bande dessinée me semble très violent comparé à celui du livre, le seul que je pratiquais avant 64_page. Philippe Decloux renchérit: « Il y a très peu, voire aucun retour des institutions, et on fait face parfois à des résistances ou des guerres de clochers. Nous avons beaucoup de contacts avec des écoles comme l’ERG, Saint-Luc ou d’autres, mais nous ne sommes pas sectaires, nullement liés à l’une ou l’autre. « 

Le prochain numéro de 64_page arrive bientôt: on y trouvera un large dossier consacré à Riff Reb’s, un autre à la jeune Louise Joor, un autre encore au Petit Roi d’Otto Soglow, publié dans les années 30 dans les pages du New-Yorker. Et avec, comme toujours, cinq jeunes auteurs inconnus, et probablement à suivre de près.

WWW.64PAGE.COM

TEXTE Olivier Van Vaerenbergh

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