Vous confronter à une nouvelle réalité culturelle et géographique – celle du Japon, après les Etats-Unis ou la Colombie – est-il l’un des moteurs essentiels de votre démarche créatrice?

Oui, parce que cela signifie que je me mets au service de quelque chose, que je fais un travail d’humilité pour essayer de rentrer dans une réalité sans amener mes outils habituels. Je pars à zéro, j’arrive dans un pays que j’essaie de comprendre avec sa culture, en m’entourant d’autochtones pour réaliser mon film. Je n’ai aucune envie de m’installer dans une situation d’auteur établi traitant certains thèmes. Je veux oublier cela, pour vivre chaque fois une nouvelle aventure, faire un film-prototype. On devient trop indulgent lorsqu’on se considère comme un auteur, on doit l’être malgré soi. Ma volonté est de ne tomber dans aucune routine.

Qu’est-ce qui vous attire particulièrement au Japon?

Ma découverte du Japon remonte à 1970, quand je suis allé présenter More à Osaka. J’ai fait un voyage à Kyoto, où je suis retourné chaque année pendant cinq ans; je n’ai découvert Tokyo que plus tard. Ce qui m’attire au Japon, c’est l’esthétique, le style: le Japon, ce sont les quartiers généraux du style. Il m’y est arrivé un jour quelque chose de merveilleux: j’étais allé faire des courses, et je me baladais avec un horrible sac en plastique, avec lequel je suis allé au restaurant. J’ai posé ce sac hideux à côté de moi et, très discrètement, une dame est venue pour le recouvrir d’une nappe de la couleur du siège. C’est sublime. Mais je n’ai absolument pas la prétention de bien connaître la culture japonaise, tant elle est raffinée, profonde et compliquée.

A force de tenter de le pénétrer dans vos films, avez-vous parfois l’impression de commencer à comprendre l’esprit criminel?

Ce n’est pas si facile que cela. Shakespeare lui-même a essayé de déterminer d’où venait le Mal, il a établi des bases. Mais on n’en aura jamais fini d’essayer de comprendre cette question, parce que le Mal prend toujours des formes nouvelles. A la limite, dans Inju, si l’on veut être ironique et prêter à la controverse, on est en présence d’un écrivain qui fait des emprunts de plagiat psychique à un autre, modifiant son £uvre pour la rendre plus accessible et plus douce. Ce faisant, il arrive à toucher un public plus large. N’est-ce pas cela, l’image du Mal? N’est-il pas le vrai criminel? On peut regarder ce film sous différents angles. Ce qui me plaisait dans cette histoire, c’est que, comme il y avait plusieurs niveaux de fiction, je me suis amusé à faire des variations qui pouvaient se recouper, se retoucher et qui fonctionnaient toujours dans la trame narrative de base d’un thriller.

J.F. PL.

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