Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

DOUGLAS GORDON A ENRICHI LE MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS DE 43 NOUVEAUX FILMS. LEQUEL DEVIENT LE PLUS GRAND DÉPOSITAIRE DE SON TRAVAIL VIDÉO.

Pretty much every film and video work from about 1992 until now

DOUGLAS GORDON, MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, 11, AVENUE DU PRÉSIDENT WILSON, À 75116 PARIS. DU 07/03 AU 31/12.

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On parle trop souvent de l’art vidéo en général, comme si ce médium était homogène. Comme s’il n’était pas traversé par des (r)évolutions. Comme s’il ne s’agissait que de séquences filmées dont seul le contenu était soumis à des variations. Il y a pourtant un monde et une histoire qui se sont écoulés entre Nam June Paik promenant un aimant sur un tube cathodique et les installations plaçant des caméras de surveillance en réseau façon Bruce Nauman, sorte de serpent visuel se mordant la queue. Il est intéressant de voir que l’art vidéo, qui a fait du temps sa matière première, n’échappe justement pas à l’emprise de ce dernier. Tout se passe comme si ce temps qui passe contribue au rapprochement avec les formes classiques du film, dans une impossible tentative de concordance. L’oeuvre de Douglas Gordon en est la démonstration, à ceci près qu’elle s’emploie à démonter les rouages de la narration cinématographique traditionnelle. Un peu comme un ver dans une pomme, Douglas Gordon pénètre ce champ pour le retourner contre lui-même. Un travail de sape inspiré d’un ouvrage qu’il considère comme sacré: les entretiens entre Hitchcock et Truffaut. Pour mieux semer la confusion, l’Ecossais tatoué cultive l’ambiguïté: en 2008, n’était-il pas dans le jury de la 65e Mostra de Venise et, en 2012, carrément président du jury de la section « Cinema XXI » au 7e Festival International du Film de Rome? Sans compter que ses oeuvres ont été montrées à Cannes, au TIFF à Toronto et au Festival du Film de Venise.

Panorama

Derrière cette apparence de gentil membre de la communauté du grand écran se cache donc un mister Hyde qui déconstruit les codes du 7e Art pour « ne plus en subir la fascination« . Le meilleur exemple de cette pratique est fourni par 24 Hours Psycho (1993), dans lequel il étire le Psycho d’Hitchcock sur 24 heures. Etrange alchimie de plomb qui transforme le maître britannique du suspens en protagoniste inégalable de l’ennui. Le tout clairement inspiré par les expériences caméra d’un Andy Warhol. Il y a du crime de lèse-majesté dans cette affaire. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, rien de tel qu’un détour par le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris qui possède depuis 2003 une installation très éclairante. Pretty much every film and video work from about 1992 until now consiste donc en une compilation des oeuvres de l’artiste. Si, au moment de l’acquisition par l’institution, la pièce comptait une petite quarantaine de films, elle vient tout juste d’être augmentée de 43 nouvelles vidéos. Pourquoi? Parce que, ponctué par un « until now« , le titre de l’oeuvre enjoint Douglas Gordon à enrichir cette hydre gloutonne au fur et à mesure de son travail. Ce sont désormais 82 vidéos réparties sur 101 moniteurs posés sur de vulgaires caisses de bière qui donnent à voir l’importante production de l’artiste. Soit 101 raisons de s’interroger sur la question du temps, de la mémoire et de la durée à travers un propos d’une grande densité.

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MICHEL VERLINDEN

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