Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dubstep by step – Le dubstep est-il soluble dans le grand public? Réponses diverses avec les albums de Darkstar et Magnetic Man…

1 « North » 2 « Magnetic Man »

1 Distribué par Hyperdub.

2 Distribué par Sony.

C’est le scénario classique: un nouveau style de musique naît dans l’underground, avant de quitter petit à petit la marge pour connaître le succès grand public. Jusqu’à se perdre? C’est un peu tout le sens du questionnement existentialiste que traverse actuellement le dubstep. Le genre, né à Londres au début des années 2000, a longtemps été cloisonné dans l’underground -souvent par la volonté même de ses instigateurs. Aujourd’hui pourtant, les basses abyssales du dubstep percolent dans la plupart des musiques populaires. Pas seulement celles liées à la danse: le rock et la pop aussi vont piocher dans le genre, de Britney Spears aux nouvelles coqueluches indie, The xx. Même le jazz s’y met, Jose James reprenant par exemple le Emotions de Benga. En fait, ce sont les adeptes mêmes du genre qui connaissent aujourd’hui directement les sommets des hit-parades. C’est le cas notamment de Rusko avec son hit Hold On.

Cadors

Reste cependant une question: avec ses atmosphères nocturnes, sombres et taciturnes, le dubstep est-il vraiment prêt pour les lumières du mainstream? Deux albums sont venus récemment apporter leur point de vue sur la question.

Le premier est celui de Darkstar, duo devenu aujourd’hui trio. Il est signé sur le label de référence Hyperdub, celui de l’intransigeant Kode9 et de Burial. Sur North, Darkstar choisit pourtant de prendre la tangente. On y trouve encore une certaine mélancolie urbaine propre au genre, et quelques tics rythmiques proprement dubstep. Mais pour le reste, North est d’abord un disque de chansons électroniques émancipées, libres de toutes attaches. Et de reprendre par exemple (You Remind Me Of) Gold, une face Bde The Human League, datée de 1982. On peut objecter que Darkstar botte en touche. En attendant, le disque balaie les étiquettes avec une belle élégance.

Plus frontale est la posture prise par Magnetic Man. Premier indice: le projet est signé chez Columbia/Sony. Une major pour se donner les moyens de ses ambitions, en gros faire du dubstep pour stade, un peu comme Faithless pour la house. C’est bien parti: le single I Need Air cartonne déjà un peu partout. Et certains puristes de crier à la trahison, accusant Magnetic Man d’avoir vendu l’âme du dubstep au diable. Problème: derrière Magnetic Man se cache un trio composé de Skream, Benga et Artwork. Soit 3 cadors du genre, pionniers de la première heure. Difficile de leur contester une légitimité construite depuis des années. L’album est-il d’ailleurs si putassier que certains veulent bien le faire croire? Anthemic et ses réminiscences trance sont en effet difficiles à encaisser, et Boiling Water peut paraître bien léger. Magnetic Man n’est pourtant pas la grande braderie annoncée. Getting Nowhere, avec le soulman John Legend au chant, est ainsi un bon exemple d’ouverture réussie, collant au genre tout en ouvrant des perspectives. Du coup, difficile de trancher à vif dans un disque qui veut parfois tout et son contraire. Après tout, les charts s’en chargeront. Ce qui était bien le sens de la démarche, non?…

Laurent Hoebrechts

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