La rentrée littéraire en 40 romans

© Jeanne Saboureault

Des 466 nouveaux romans de la rentrée littéraire, Focus en a retenu 40 et 8 polars. De cette sélection subjective surgit une tendance: le retour de la grande aventure, l’introspection n’étant toutefois jamais bien loin.

L’Amour

L'Amour

L’Amour

De François Bégaudeau, éditions Gallimard/Verticales, 96 pages.

C’est l’histoire des époux Moreau, duettistes de cœur, de leur premier rendez-vous à la fin inéluctable: “Bientôt on est à l’hôpital comme chez soi.” Avec une concision et une économie de style remarquables, au plus près du réel, François Bégaudeau croque une vie de couple qui défile. Dans une France où les téléphones sont à touches, les mouchoirs en papier et les baguettes tradition, cette novella de 90 pages se dévore d’une traite et se referme avec une poussière dans l’œil. Un bijou. (F.DE.)

Mississippi, la Geste des ordinaires

Mississippi, la Geste des ordinaires

Mississippi, la Geste des ordinaires

De Sophie G. Lucas, éditions La Contre-Allée, 192 pages.

Dans une langue (é)mouvante, la poétesse Sophie G. Lucas (Assommons les poètes!, Témoin, déjà en compagnonnage avec La Contre Allée) s’attache dans ce premier roman torrentueux à une lignée d’humains pétris d’aspirations, de révoltes et d’émancipations plus amples que celles assignées à la naissance. Depuis Impatient (en 1839), disparu des registres, jusqu’à Odessa (en 2006), qui danse ses blessures et immortalise les sinistrés de l’ouragan Katrina, l’autrice est à l’écoute du pouls et de la mémoire du monde. (A.R.)

J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort

J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort

J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort

D’Adèle Fugère, éditions Buchet-Chastel, 176 pages.

Rosalie, 8 ans, a beau se considérer comme une “rigolote”, “de temps en temps, ça va moins bien”, au grand dam de ses parents. Ce mal-être diffus n’est sans doute pas étranger à la transformation de la jeune fille qui se réveille un beau matin dans la peau, ou plus exactement avec la moustache, de… Jean Rochefort. L’attribut pileux faisant la personnalité, c’est armée du tropisme absurde de l’acteur lunaire, dont elle épouse les mots et les mimiques, qu’elle met le souk dans un goûter d’anniversaire guindé ou qu’elle relate une hilarante séance de natation. Avec cette chronique douce-amère de l’enfance minée par les idées noires, Adèle Fugère caresse le fantasque dans le sens du poil. Aucun doute que son modèle aurait trouvé “sensass” cette irrésistible fable loufoque. (L.R.)

Salman Rushdie – © Rachel Eliza Griffiths © RACHEL ELIZA GRIFFITHS

La Cité de la victoire

La Cité de la victoire

La Cité de la victoire

De Salman Rushdie, éditions Actes Sud, traduit de l’anglais par Gérard Meudal, 336 pages. Parution le 06/09.

Salman Rushdie déploie à nouveau son art du conte inspiré des grandes épopées hindoues, égrenant saillies post-modernes et idées ultra contemporaines. Son écriture, toujours aussi luxuriante, s’amuse des changements de registre, et crée un personnage de déesse tellement plus grande que nature qu’elle en défie les lois. Il imagine un matriarcat qui serait rattrapé par le backlash et offre une variation sur le genre du réalisme magique dont il s’est fait le chantre au fil des livres. (A.E.)

Les Alchimies

Les Alchimies

Les Alchimies

De Sarah Chiche, éditions du Seuil, 240 pages.

Sur fond de crise hospitalière, Camille Cambon, médecin légiste, est entraînée sur les traces de Goya (et de son crâne dérobé en 1828) mais surtout de la fascination de ses parents pour ce peintre. Jusqu’où étaient-ils prêts à outrepasser la raison lors d’expérimentations secrètes? On peut compter sur l’autrice des Enténébrés pour créer des textes habités, jusqu’au vénéneux. Ici, au rythme de l’aventure picaresque, l’humour perle aussi. (A.R.)

Sarah Chiche – © Getty Images © GETTY IMAGES

Cavaler seule

Cavaler seule

Cavaler seule

De Kathryn Scanlan, éditions La Croisée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux, 208 pages.

Inspiré d’une histoire vraie, ce récit retrace en “je” l’histoire singulière de Sonia à travers une succession de souvenirs brefs alternant les températures émotionnelles, du plus lumineux au plus dramatique. Née en 1962, cette enfant du Midwest a toujours rêvé de devenir jockey. Un métier d’homme. À défaut, et à force de ténacité, elle deviendra entraîneuse de chevaux de course, avec la vie de hobo qui va avec. Si elle régale d’anecdotes fascinantes sur les coulisses du hippisme, c’est bien dans le portrait express de la faune mâle gravitant autour des pistes -lads violents, propriétaires pas toujours réglo, jockeys casse-cou…- que la narratrice excelle. Style dépouillé et concis -le réalisme cru suffit à faire galoper l’imagination- rime ici avec passion, celle d’une femme de caractère qui chevauche son destin malgré les obstacles. En selle! (L.R.)

Sarah, Susanne et l’écrivain

Sarah, Susanne et l’écrivain

Sarah, Susanne et l’écrivain

D’Éric Reinhardt, éditions Gallimard, 432 pages.

Éric Reinhardt se livre à une variation romanesque en résonance avec son œuvre qui met à nu l’exercice de la fiction. On y retrouve un écrivain qui ressemble fort à l’auteur, racontant à une lectrice comment il va écrire le livre de sa vie, tous deux s’interrogeant sur ces moments où l’on a ou aurait pu rater nos vies. Deux récits se déploient en parallèle, jusqu’à la bifurcation. Le livre offre une réflexion sur l’autorité, figurant l’émancipation du personnage: à qui appartiennent les récits? (A.E.)

Éric Reinhardt – © Getty Images © GETTY IMAGES

Rose nuit

Rose nuit

Rose nuit

D’Oscar Coop-Phane, éditions Grasset, 162 pages.

Nana travaille dans une serre éthiopienne six jours sur sept pour 35 euros mensuels. Depuis la Hollande, Jan lance des ordres d’achat pour le géant Floricor. Vendeur de roses en terrasse à Paris, Ali tente de se rappeler le visage de son fils laissé au Bangladesh. Composant un bouquet avec les épines fichées dans le destin de trois forçats du marché aux fleurs, Coop-Phane avale toutes les couleuvres de l’exploitation du travail humain et signe sans doute son livre le plus fort. Saisissant. (F.DE.)

Perspective(s)

Perspective(s)

Perspective(s)

De Laurent Binet, éditions Grasset, 304 pages.

On connaît le goût de Laurent Binet pour dynamiter le rapport entre Histoire et littérature. Ici, le Goncourt du premier roman (HHhH) s’enjaille du côté du roman épistolaire au temps de la dernière guerre d’Italie. à Florence, en 1557, Jacopo Pontormo, peintre des plus réputés, est retrouvé poignardé dans la chapelle où il œuvrait depuis onze ans. Débute une enquête ourdie de messes basses, secrets d’alcôves et autres complots. Aux côtés de Catherine de Médicis et de Michel-Ange, un Cluedo virtuose. (F.DE.)

Journal d’un scénario

Journal d’un scénario

Journal d’un scénario

De Fabrice Caro, éditions Gallimard/Sygne, 208 pages.

Formidable dialoguiste en BD comme dans le roman, Fabcaro (Le Discours, Broadway…) se fait maître de l’absurde et de la mise en abyme dans ce nouvel opus qui voit un narrateur scénariste décrocher sa première promesse de production, en même temps qu’il rencontre celle qui pourrait être la femme de sa vie. On l’aura vite compris, fiction et “réalité” vont se confondre et se construire mutuellement, en parallèle d’un dézingage des coulisses de l’industrie cinématographique. (N.N.)

Charrue tordue

Charrue tordue

Charrue tordue

D’Itamar Vieira Junior, éditions Zulma, traduit du portugais (Brésil) par Jean-Marie Blas de Roblès, 352 pages. Parution le 07/09.

Avec ce premier roman d’une puissance inouïe, Itamar Vieira Junior, issu de la communauté quilombola, ces Afro-Brésiliens descendants d’esclaves devenus paysans sans terre, livre la version contemporaine et brésilienne du tout aussi costaud Les Raisins de la colère de Steinbeck, le tout teinté de réalisme magique cher à la littérature sud-américaine. C’est magnétique et enivrant à souhait. (PH.M.)

Les Corps flottants

Les Corps flottants

Les Corps flottants

De Mikaël Hirsch, éditions Le Dilettante, 256 pages. Parution le 30/08.

L’astrophysicien Isaac Bahir cherche à révéler l’existence d’une matière invisible. Propulsé dans le passé, il revit plusieurs fois l’éclipse totale de 1999 où, en compagnie de Miranda et Walter, il a enterré une capsule temporelle à destination de leurs moi futurs. À l’heure où les blockbusters se repaissent des combinaisons infinies du multivers, Mikaël Hircsh entremêle solitude existentielle et hypothèses quantiques dans un roman ambitieux qui évoque autant Houellebecq que Christopher Nolan. (F.DE.)

Eunice

Eunice

Eunice

De Lisette Lombé, éditions du Seuil, 192 pages.

Alors qu’Eunice se réveille à peine d’une rupture et d’une soirée qui ont laissé des traces, elle apprend la disparition de sa mère. Refusant de croire à la thèse de l’accident, elle se lance dans une enquête sur la femme qu’était aussi sa génitrice. Avec ce premier roman à la deuxième personne qui épouse les atermoiements de sa narratrice, la slameuse et poétesse belge propose quelques singulières échappées, servies par des ruptures de rythme et de style aussi surprenantes que séduisantes. (A.E.)

Lisette Lombé – © Gilles Fischer © GILLES FISCHER

Glory

Glory

Glory

De NoViolet Bulawayo, éditions Autrement, traduit de l’anglais (Zimbabwe) par Claro, 464 pages.

Près de dix ans après sa première fiction (Il nous faut de nouveaux noms, roman d’apprentissage dans un ghetto zimbabwéen), NoViolet Bulawayo nous revient avec une satire politique mordante et rythmée qui lorgne du côté de La Ferme des animaux et de l’Histoire du Zimbabwe. À la tête d’un pays chimérique, le Jidada, les “animals” ont eu fort à faire contre la Vieille Carne (despote chevalin) et son épouse, Merveilleuse l’ânesse. Mais ne suffirait-il pas d’un seul rouage inattendu pour changer les choses? (A.R.)

Le Plus Court Chemin

Le Plus Court Chemin

Le Plus Court Chemin

D’Antoine Wauters, éditions Verdier, 256 pages.

À la question “quel est votre territoire d’élection?”, Antoine Wauters (Mahmoud ou la montée des eaux) préfère ne pas trancher entre l’enfance et la langue, ses deux ravines constitutives. Dans un texte fragmentaire -aussi éclairant que touchant- qui célèbre notamment la simplicité choisie et la complicité fraternelle, l’auteur mesure avec une sincérité saillante sa propre distance au monde et les tensions inhérentes au métier d’écrire et de vivre, d’un même souffle. (A.R.)

L’Enfant dans le taxi

L’Enfant dans le taxi

L’Enfant dans le taxi

De Sylvain Prudhomme, éditions de Minuit, 224 pages. Parution le 31/08

Pourquoi l’aventure du grand-père Malusci avec une Allemande au sortir de la guerre est-elle enfouie dans le cimetière des secrets de famille? Lors de l’enterrement du patriarche, ce souvenir aiguillonne la mémoire du narrateur-écrivain jusqu’à devenir une obsession. Évoluant pianissimo entre douceur et gravité, le nouveau Prudhomme interroge les ricochets de la mémoire et l’adieu aux rituels du couple avec son tact coutumier. “J’ai un peu résisté au début et puis je me suis mis à parler.” (F.DE.)

Paradise, Nevada

Paradise, Nevada

Paradise, Nevada

De Dario Diofebi, éditions Albin Michel, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paul Matthieu, 644 pages.

Avec ses hôtels-casinos XXL, ses décors de pacotille, sa promesse de richesse facile, Las Vegas est un peu le fantasme ultime du capitalisme. C’est dans “la ville du vice” que se croisent les destins de quatre jeunes: Ray, le joueur cartésien de poker; Mary Ann, la serveuse qui se cherche; Tommaso, l’Italien candide qui veut croire au miracle; Lindsay, la journaliste mormone qui bataille avec sa conscience. Dario Diofebi a puisé dans ses souvenirs personnels (né à Rome, ce joueur professionnel s’est exilé aux États-Unis) pour composer ce roman choral vertigineux. Malgré quelques longueurs -notamment quand l’auteur s’attarde sur les subtilités du poker-, on s’attache à ces personnages qui vont se retrouver au cœur d’une funeste machination politique. Un solide pavé dans la mare désenchantée du néolibéralisme. Gare aux éclaboussures! (L.R.)

© MARGHERITA MIRABELLA

Déserter

Déserter

Déserter

De Mathias Énard, éditions Actes Sud, 256 pages.

Mathias Énard écrivait la biographie fictive d’un grand mathématicien est-allemand rescapé de Buchenwald, lorsque la guerre a éclaté en Ukraine. Déboussolé, le lauréat du Goncourt 2015 a imaginé un personnage de déserteur dans un paysage méditerranéen. Guerre, grande Histoire, amour… Contés en parallèle, les deux récits -les pérégrinations de ce soldat inconnu et le colloque scientifique sur paquebot rendant hommage, le 11 septembre 2001, au mathématicien Heudeber- se complètent et envoûtent. (M.R.)

Pour mourir, le monde

Pour mourir, le monde

Pour mourir, le monde

De Yan Lespoux, éditions Agullo, 432 pages. Parution le 24/08.

Inspiré du naufrage d’un navire de la flotte portugaise de retour des Indes sur la côte basque un matin de juillet 1627, l’auteur signe un (premier) roman d’aventure épique, riche, dense et d’une rare intelligence, habité par des personnages hauts en couleurs et traversé par des scènes dantesques. On pense Conrad, London, Melville ou même à l’Antonin Varenne de Trois mille chevaux vapeur pour ce grand roman, rien que ça! (PH.M.)

Shy

Shy

Shy

De Max Porter, éditions du Sous-Sol, traduit de l’anglais par Charles Recoursé, 144 pages.

Avec d’autres mineurs délinquants, Shy, ado en décrochage accro au ragga, a atterri à l’École de la Dernière Chance. Entouré de la bienveillance des animateurs, le garçon tente de recoller les morceaux d’une enfance agitée. L’annonce de la fermeture du manoir, victime de promoteurs, pousse Shy à fuir en pleine nuit, un sac rempli de silex sur le dos. Direction les marais voisins… Un portrait bouleversant d’une âme en souffrance transcendé par le style “pictural” de Max Porter, entre collage littéraire et abstraction figurative: les voix intérieures et bribes de conversations s’entremêlent, le récit zigzague entre souvenirs et présent, même le graphisme épouse la valse des sentiments. (L.R.)

La Reine aux yeux de lune

La Reine aux yeux de lune

La Reine aux yeux de lune

De Wilfried N’Sondé, éditions Robert Laffont, 240 pages.

Wilfried N’Sondé, romancier multi-primé né à Brazzaville, s’empare du destin tragique de Kimpa Vita, l’étoile révolutionnaire du royaume Kongo et prophétesse de l’unité africaine, envoyée par les capucins sur le bûcher pour hérésie et brûlée vive le 4 juillet 1706. Immensément poétique et non moins douloureux, La Reine aux yeux de lune possède des allures de conte universel à la manière d’un Laurent Gaudé dans La Mort du roi Tsongor. (PH.M.)

Les Naufragés du Wager

Les Naufragés du Wager

Les Naufragés du Wager

De David Grann, éditions du Sous-Sol, traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj, 448 pages. Parution le 25 août.

1740. En guerre contre l’Espagne, la Royal Navy envoie en mission secrète une flotte de vaisseaux. L’un d’eux, le Wager, fait naufrage juste après avoir doublé le cap Horn. Cas de conscience et questions de vie ou de mort constituent le quotidien des survivants. Quelques élus reprendront la mer et rentreront au bercail. Mais à quel prix? D’une histoire vraie, David Grann tire à nouveau un roman d’aventures passionnant, promis au même succès que The Lost City of Z ou La Note américaine. (M.R.)

David Grann – © Rebecca Mansell © REBECCA MANSELL

Portrait huaco

Portrait huaco

Portrait huaco

De Gabriela Wiener, éditions Métailié, traduit de l’espagnol (Pérou) par Laura Alcoba, 160 pages.

Figure-phare des nouveaux chroniqueurs latino-américains, la Péruvienne Gabriela Wiener n’a pas son pareil pour dynamiter avec humour nos représentations et passer au tamis le post-colonialisme. Dans ce texte hybride, à la fois enquête familiale autour de Charles Wiener (ancêtre explorateur reconnu par les Occidentaux, mais à ses yeux d’Indienne “bâtarde”, pilleur d’objets incas) et autofiction polyamoureuse, elle-même n’est pas au bout de ses surprises et de biais personnels à interroger. (A.R.)

Nos cœurs disparus

Nos cœurs disparus

Nos cœurs disparus

De Celeste Ng, éditions Sonatine, traduit de l’anglais (États-Unis) par Julie Sibony, 384 pages. Parution le 24/08.

Avec cette dystopie politique sise dans un monde d’après-demain qui parle résolument d’aujourd’hui, Celeste Ng imagine un futur proche perclus de discriminations, où des enfants sont enlevés aux parents qui professent des opinions anti-américaines (avec une crainte toute particulière pour les communautés asiatiques, la Chine étant jugée responsable de la crise qui a “effondré” la société). Elle se demande notamment si nos idéaux et nos principes sont solubles dans la sécurité de nos familles. (A.E.)

La Mauvaise Habitude

La Mauvaise Habitude

La Mauvaise Habitude

D’Alana S. Portero, éditions Flammarion, traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud, 272 pages.

Cela commence dans le quartier populaire madrilène de San Blas, dans les années 80. Une galerie de personnages tous tirés de tableaux surréalistes, voire cubistes. Un véritable défilé sociétal sous les yeux de la narratrice, jeune fille coincée dans un corps de garçon, qui nous révèle combien la construction de sa propre identité est un parcours d’une vie entière. Inspiré de son propre destin, ce premier roman de la poétesse et activiste espagnole Alana S. Portero vaut pour sa langue percutante au service d’une odyssée intime socialement construite. (N.N.)

L’Invincible Été de Liliana

L’Invincible Été de Liliana

L’Invincible Été de Liliana

De Cristina Rivera Garza, éditions Globe, traduit de l’espagnol (Mexique) par Lise Belperron, 400 pages. Parution le 31/08.

À l’instar de Maggie Nelson (Une partie rouge / Jane, un meurtre), c’est dans la forme de ce texte nécessaire que Cristina Rivera Garza (Personne ne me verra pleurer) trouve une réparation à la douleur causée par le féminicide de sa sœur Liliana (tuée il y a 30 ans par un ex-petit ami). En optant pour une co-écriture singulière avec la disparue (cette dernière était prolifique en archives et correspondances), l’autrice mexicaine rend inaltérable ce qui animait cette jeune femme libre. Bouleversant! (A.R.)

Rocky, dernier rivage

Rocky, dernier rivage

Rocky, dernier rivage

De Thomas Gunzig, éditions Au Diable Vauvert, 368 pages. Parution le 31/08.

Aujourd’hui, Fred est contrarié (la semelle de ses Nike se décolle) et sa femme Hélène re-re-re-regarde Titanic sur son écran géant: ainsi en va-t-il désormais du quotidien des derniers humains vivants et de leurs enfants. Car hier, la Catastrophe a bien eu lieu, donnant raison à Fred d’avoir acheter cette île (18 hectares, 500 mètres de long sur 300 de large) et de l’avoir remplie de tous les divertissements du monde. Reste une question que Robinson ne se posait pas: est-ce bien la peine de survivre quand on a tout détruit et qu’on a déjà tout sans le partager avec personne? Entre dystopie et satire socio-familiale, un Gunzig bon cru. (O.V.V.)

Thomas Gunzig – © Belgaimage © BELGA IMAGE

Psychopompe

Psychopompe

Psychopompe

D’Amélie Nothomb, éditions Albin Michel, 162 pages.

Notre Amélie nationale n’est jamais aussi touchante que quand elle parle d’elle-même et des siens. Elle s’écarte du roman pour la confidence poétique et mémorielle à la première personne, s’épanchant sur son amour des oiseaux. Depuis son enfance au Japon et en Birmanie jusqu’à aujourd’hui, les maîtres des airs ont été les refuges de sa singularité et seront les parfaits messagers -psychopompes-, selon l’autrice, entre elle et son père décédé en 2020. Un livre du deuil apaisé dans lequel elle partage son originalité, après son touchant Premier sang. (N.N.)

La Mer de la tranquillité

La Mer de la tranquillité

La Mer de la tranquillité

D’Emily St. John Mandel, éditions Rivages, traduit de l’anglais (Canada) par Gérard De Chergé, 304 pages.

Un phénomène étrange survient dans différents lieux à différentes époques. En 2401, l’Institut du Temps enquête sur ces anomalies susceptibles de troubler l’équilibre temporel. Emily St. John Mandel ajoute au trouble en insérant une pandémie étrangement familière, et un personnage d’autrice lui ressemblant fortement… On pense à Retour vers le futur, mais aussi au bouleversant La Jetée de Chris Marker et on se perd avec délice au cœur d’un récit choral à travers l’espace et le temps. (M.R.)

La prochaine fois que tu mordras la poussière

La prochaine fois que tu mordras la poussière

La prochaine fois que tu mordras la poussière

De Panayotis Pascot, éditions Stock, 240 pages.

Connu pour son passage par Le Petit Journal et Quotidien, Panayotis Pascot joue la carte autobiographique dans un premier roman qui évite avec bonheur l’expérience narcissique. Croisant ses déboires intimes, la définition de sa sexualité et la relation tendue avec un paternel en fin de vie, l’humoriste et comédien déploie un joli jeu sur la ligne du temps et des sentiments. Un récit dans lequel on peut tous se retrouver. Une belle surprise de cette rentrée. (N.N.)

Casablanca Circus

Casablanca Circus

Casablanca Circus

De Yasmine Chami, éditions Actes Sud. 208 pages.

Casablanca est une ville-monde que la romancière Yasmine Chami voulait, depuis plus de 20 ans, saisir (ce qu’elle fait comme personne avant elle), avec sa “maigre végétation”, son “humidité salée” et ce “sillage de gasoil” maculant l’atmosphère; avec, surtout, ses paradoxes et ses contradictions, entre le destin de son plus ancien bidonville condamné par l’urbanisation, un masculinisme toujours omniprésent et les chocs culturels parfois complexes d’un couple de retour après des années d’Occident. (O.V.V.)

Conquest

Conquest

Conquest

De Nina Allan, éditions Tristram, traduit de l’anglais par Bernard Sigaud, 352 pages. Parution le 24/08.

Frank est un programmeur informatique à l’intelligence mise en émoi par la musique de Bach. Dernièrement, il passe son temps sur LAvventura, une communauté en ligne persuadée qu’une guerre sans précédent est à venir. Lorsqu’il disparaît à Paris, Rachel, sa petite amie, devra faire appel à une détective privée. Où réside la vérité? La magie singulière de Nina Allan -entre construction impeccable et empathie infinie pour ses personnages- opère une fois encore dans ce roman vertigineux et paranoïaque. (A.R.)

La Sentence

La Sentence

La Sentence

De Louise Erdrich, éditions Albin Michel, traduit de de l’anglais (États-Unis) par Sarah Gurcel, 448 pages. Parution le 06/09.

Véritable livre mille-feuille, La Sentence suit la trajectoire contrariée de Tookie. Tookie est femme et autochtone, deux caractéristiques au croisement des discriminations. Ex-détenue tombée en amour de la littérature, elle croise les routes de fantômes, de familles qui se réinventent, d’amoureux magnifiques, de morts maudits. Un roman profondément ancré dans notre contemporanéité, se passant en plein Covid, et surtout à Minneapolis, au lendemain de la mort de George Floyd. (A.E.)

Le Dernier Revival d’Opal & Nev

Le Dernier Revival d’Opal & Nev

Le Dernier Revival d’Opal & Nev

De Dawnie Walton, traduit de l’anglais (États-Unis) par David Fauquemberg, éditions Zulma, 512 pages.

Des légendaires Opal & Nev, ni la prêtresse afro-punk du Michigan, ni le jeune songwriter briton aux dents longues n’ont existé. Peu importe, avec cette vraie fausse pièce d’Oral history rock’n’roll, Dawnie Walton offre un premier roman détonant. Au fil des témoignages, l’autrice revient sur quelques moments peu reluisants de l’Histoire des États-Unis, avec en point d’orgue les 70’s et la lutte pour les droits civiques, tristement toujours d’actualité.

Donnie Walton – © Rayon Richards © Rayon Richards

Fuck Up

Fuck Up

Fuck Up

D’Arthur Nersesian, éditions La Croisée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot, 336 pages.

Autre ville-monde, autre témoignage, autre ambiance: le New York d’Arthur Nersesian, auteur et dramaturge local (dont c’est ici et enfin la première traduction en français, 25 ans après sa sortie aux US), et plus précisément le quartier du East Village, tel qu’on pouvait encore, à la fin des années 80, y errer, s’y perdre et y croiser une faune folle: yuppies, gourous, acteurs porno, éditeurs snobs, artistes paumés, camés arty. Ceux qu’un écrivain raté et parfait loser va croiser tout au long d’une nuit complètement “fucked up”. Aussi drôle que sombre. (M.R.)

Rouge western

Rouge western

Rouge western

D’Isabelle Wéry, éditions Au Diable Vauvert, 304 pages.

Dans Poney flottant, la comédienne et autrice Isabelle Wéry développait une écriture riche en surprises et audacieuse avec une héroïne diablement envoûtante. La star de Rouge western est tout autre. Une véritable anti-héroïne que cette Vanina, petite vieille qui débarque en Andalousie pour des vacances hautes en couleur. Sur le ton de la fable, peuplée d’animaux et de personnages mythiques surgissant du décor, la Belge démonte les préjugés sur l’âge avec l’humour et la sensualité qu’on lui connaît. (N.N.)

Le Grand Secours

Le Grand Secours

Le Grand Secours

De Thomas B. Reverdy, éditions Flammarion, 320 pages.

Romancier de la disparition (des territoires comme des êtres), le Français Thomas B. Reverdy pose aujourd’hui son chevalet dans la banlieue, et plus précisément dans une zone de transit grouillante de Bondy, aux portes de Paris, où cohabitent tant bien que mal un échangeur autoroutier, un camp de Roms, une casse, des arrêts de tram et de bus, une barre HLM en forme de S et un lycée. Unité de lieu et de temps: le récit se déroule sur une journée, de 7h30 à 17 h, et ausculte les effets en cascade d’une altercation entre un élève et un agent provocateur. Comme toujours chez ce romancier témoin, l’intime -de Mo l’intello ou de Candice la prof désabusée- et le collectif -la relégation spatiale, l’impuissance des enseignants…- se répondent. Et confèrent à cette tragédie ordinaire une dimension politique puissante. Effrayant et épatant. (L.R.)

Thomas B. Reverdy – © AFP/Getty Images © AFP via Getty Images

La Danse des damnées

La Danse des damnées

La Danse des damnées

De Kiran Millwood Hargrave, éditions Robert Laffont, traduit de l’anglais par Sarah Tardy, 360 pages. Parution le 31/08.

L’autrice anglaise des Graciées aborde avec son deuxième roman ce qu’elle appelle l’“épidémie de danse” qui frappa Strasbourg en juillet 1518 où près de 400 femmes dansèrent ensemble pendant deux mois. La jeune poétesse et romancière Kiran Millwood Hargave (33 ans) tisse une histoire bouleversante tout simplement magnifique. (PH.M.)

Cold Wave

Cold Wave

Cold Wave

D’Adrien Durand, éditions Le Nouvel Attila/Othello, 176 pages. Parution le 08/09.

Après plusieurs années à Montréal, Ed revient dans sa ville natale. Les démons du passé y sont récalcitrants, et on saisit, au travers de flash-back, le mal-être de ce garçon différent. Disparu, son père ne lui a légué que des critiques d’albums rock sur bristol. Sa mère, elle, l’a toujours délaissé. Avec Lila, sa seule amie, ils tentent de s’évader: “jouer de la musique, en écouter et imaginer où tout ça nous amènerait”. Un premier roman magnétique, par le fondateur des éditions du Gospel. (M.R.)

Trust

Trust

Trust

De Hernán Diaz, éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard, 400 pages.

Comédie noire amère, cynique, tragique, passionnée et extrêmement brillante en quatre actes, Trust (prix Pulitzer de la Fiction 2023) raconte la Grande Dépression qui met à genoux l’Amérique dans les années 1930 à travers un homme qui fait fortune quand ses compatriotes mangent le carrelage. Ce roman en forme de poupées russes qui fait la part belle aux femmes est une prouesse littéraire avec un P majuscule. (PH.M.)

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