Ces illustres écrivains recalés au Goncourt

George Simenon rata le prix Goncourt en 1937 © BELGAIMAGE
Aurélien David Stagiaire

Cette semaine, le Goncourt a dévoilé sa deuxième sélection, réduisant la liste des candidats à 8 romans. Comme chaque année, il y aura un élu et des déçus. Florilège de ces écrivains recalés qui sont devenus de grands noms de la littérature française.

Depuis 113 ans maintenant, l’Académie Goncourt récompense le roman de l’année. Son prix est l’assurance d’une médiatisation amplifiée et d’une hausse considérable des ventes. Le lauréat fait rarement l’unanimité, il est décortiqué, flagorné, vilipendé, mais son nom tintinnabule dans les médias. On parle de lui. Certains des lauréats continuent à avoir du succès par la suite. Pour d’autres, les trompettes de la Renommée finissent souvent par aller chanter ailleurs et le roman poursuit sa carrière dans l’anonymat. À l’inverse, le régiment des recalés compte dans ses rangs plusieurs auteurs aujourd’hui illustres.

Jean Giraudoux

En 1909, Jean Giraudoux publie Provinciales, sa première oeuvre littéraire. Le livre est découvert par André Gide et se retrouve cette année-là dans la liste finale du prix Goncourt. Il est soutenu par Jules Renard et se trouve en concurrence avec En France, écrit à quatre mains par deux cousins sous le pseudonyme de Marius-Ary Leblond. C’est le second qui sera primé. Ce qui n’empêchera pas Giraudoux de passer à la postérité, contrairement aux vainqueurs, surtout grâce à ses pièces de théâtre comme Ondine et La Guerre de Troie n’aura pas lieu.

Guillaume Apollinaire et Colette

L’année suivante, Guillaume Apollinaire et Colette font tous les deux partie de la liste des candidats au prix. Le premier pour L’Hérésiarque et Cie, la seconde pour La Vagabonde. Ni l’un ni l’autre n’est un nouveau venu; ni l’un ni l’autre ne sera récompensé par l’Académie. Le jury choisit un instituteur qui s’appelle Louis Pergaud (auteur deux ans plus tard de La Guerre des boutons) et son roman De Goupil à Margot. Un des académiciens, Elémir Bourges, avoue: « Nous votons délibérément, au premier tour, pour ceux qui ont le moins de chances (…), nous leur faisons une petite réclame« . Réclame dont, en effet, ni Apollinaire ni Colette n’auront besoin. Lui sera loué par les surréalistes et est célèbre aujourd’hui notamment pour ses Calligrammes, Alcools et Poèmes à Lou; elle sera l’une des principales femmes de lettres de la première moitié du XXe siècle. Elle deviendra même membre de l’Académie en 1945.

Alain Fournier

Alain Fournier n’a écrit qu’un seul roman. Un unique roman qu’il publie en 1913 avant d’être happé un an plus tard par le carnage meurtrier de la Grande Guerre. Toute son oeuvre s’appelle Le Grand Meaulnes. Le livre connaît le succès dès ses débuts, et c’est tout naturellement qu’il s’installe parmi les favoris du Goncourt 1913. Parmi les autres candidats, il y a Roger Martin du Gard. Les débats pour désigner un lauréat durent trois heures, durant lesquelles on prêche soit pour Alain Fournier, soit pour Léon Werth. Finalement, c’est un autre roman qui est plébiscité: ce sera Le Peuple de la mer, de Marc Elder. Le Grand Meaulnes est, depuis, adapté au cinéma et considéré comme un des meilleurs livres du vingtième siècle.

Louis-Ferdinand Céline

C’est le grand scandale du Goncourt. En 1932, Un médecin parfaitement inconnu dans le monde littéraire publie un objet détonnant: c’est le Voyage au bout de la nuit. Un livre qui casse les codes traditionnels du roman et bouleversera à jamais la littérature française. Du jamais lu. L’argot et le langage parlé y côtoient l’imparfait du subjonctif, la langue y est vive, brutale et directe. Céline le sait, qui écrit à Gallimard: « C’est du pain pour un siècle entier de littérature. C’est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l’heureux éditeur qui saura retenir cette oeuvre sans pareil, ce moment capital de la nature humaine? » Le roman, finalement édité par Denoël, est logiquement sélectionné dans la liste pour le Goncourt. Il est le grandissime favori pour l’emporter mais à la surprise générale, c’est à Guy Mazeline, avec Les Loups, que le prix est décerné. Quelques jours plus tard, Voyage au bout de la nuit recevra le prix Renaudot. Aujourd’hui, Louis-Ferdinand Céline est considéré par beaucoup comme le plus grand écrivain du vingtième siècle. Son oeuvre continue d’être l’objet de polémiques et d’études.

Georges Simenon

Georges Simenon est déjà un auteur accompli lorsque Le Testament de Donnadieu est pressenti pour emporter le Goncourt en 1937. Le commissaire Maigret est né voilà sept ans, il a une cinquantaine de roman publiés (Maigret ou non) et trois d’entre eux ont déjà été adaptés au cinéma. Simenon, l’homme qui publie à la chaîne, sprinteur de l’écriture, peaufine tout particulièrement Le Testament de Donnadieu. Spécialisé dans le polar, il signe ici un roman d’un style différent. Plus long. Plus goncourisable. Oui, mais voilà: Georges Simenon ne sera pas le premier lauréat belge. C’est Charles Plisnier et ses Faux passeports qui est élu cette année-là. Lorsque sa mère s’étonne qu’un si grand écrivain n’ait toujours pas reçu de prix, il réplique qu’il serait plutôt en mesure de les décerner.

Julien Gracq, un cas à part

Contrairement aux précédents, Julien Gracq n’est pas un recalé du Goncourt. Il fut bel et bien désigné par le jury en 1951 pour Le Rivage des Syrtes, mais refusa le prix. Les jours précédant les délibérations, il avait déjà fait savoir par deux fois qu’il était, « aussi résolument que possible, non candidat« . Cohérent, le bonhomme, lui qui l’année d’avant avait couvert de caca le milieu littéraire parisien dans La Littérature à l’estomac, conchiant essentiellement les prix littéraires.

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