Astérix, quintessence de l’esprit français et écho aux valeurs universelles

Détail de l'album Astérix et le papyrus de César, sortie en octobre 2015 © DR
FocusVif.be Rédaction en ligne

Il est hâbleur, querelleur, ripailleur, mais il est aussi astucieux, courageux, généreux. Astérix, dont la dernière aventure sort jeudi, concentre tous les clichés accolés aux Français, mais il porte aussi des valeurs universelles qui ont valu à cet anti-héros un succès planétaire.

« Astérix réunit les stéréotypes identitaires qui font le socle de la culture française », explique à l’AFP l’universitaire Nicolas Rouvière, spécialiste du célèbre Gaulois dont le 36e album, Le papyrus de César, sera la semaine prochaine dans les librairies du monde entier.

Les Français aiment se regarder dans ce miroir qui reflète de façon caricaturale et complaisante leurs qualités et leurs travers », souligne l’expert, auteur en 2014 du Complexe d’Obélix (PUF).

La potion du succès ? Une bonne dose de disputes et d’irrévérence, pimentée de franche camaraderie et de bonne chère, le tout assaisonné de valeurs positives comme la résistance et la capacité à se serrer les coudes face à l’adversité.

« Ce sont les ingrédients de l’esprit gaulois, une notion apparue chez les écrivains français du 19e siècle, qui puisaient dans notre patrimoine littéraire ce qui permettait de conforter l’idée de Nation, comme les plaisirs de la table chez Rabelais », souligne Nicolas Rouvière.

Selon lui, le phénomène « Astérix », créé par René Goscinny et Albert Uderzo en 1959 et repris aujourd’hui par le duo Didier Conrad (dessin) et Jean-Yves Ferri (scénario), repose aussi « sur l’imagerie gauloise issue des manuels scolaires de la IIIe République ».

Pour l’anthropologue Marc Augé, cette « histoire de France » en 36 volumes séduit aussi les Français parce qu’il y voient, par-delà les anachronismes, une métaphore de la vie politique hexagonale.

« Les Français sont friands de caricatures et les personnages d’Astérix se prêtent particulièrement bien au jeu qui consiste à associer chacun d’eux à une personnalité politique ».

Selon lui, « on peut aussi trouver une dimension politique à la potion magique qui peut être vue comme la solution miracle à tous les problèmes ou comme l’homme providentiel, des notions très franco-françaises ».

« La petite étoile est une star »

Mais il serait réducteur de limiter les aventures de l’espiègle petit Gaulois à une simple saga cocardo-patriotique, ses albums s’étant écoulés à quelque 365 millions d’exemplaires à travers le monde.

Astérix, littéralement « la petite étoile », est aussi une star à l’étranger, exception faite de l’Asie, royaume incontesté des mangas, et des Etats-Unis, où il n’a jamais fait le poids face aux musculeux Superman et autres super héros des comics qui font partie intégrante de l’imaginaire collectif américain.

Tel n’a pas été le destin d’Astérix en Germanie, pays où notre anti-héros a eu, dès sa naissance, le plus de succès après la Gaule. « C’était la guerre froide, le grand empire de l’époque était l’Union soviétique, donc l’idée d’un petit village qui résiste face à un empire a bien fonctionné », explique Nicolas Rouvière. « Nous étions aussi dans un contexte de réconciliation franco-allemande, avec une Europe naissante, celle de De Gaulle et d’Adenauer, de la fraternité entre les peuples ce qui explique aussi son succès », ajoute-t-il.

Pour Bert Henning, patron de la librairie berlinoise Grober Unfug spécialisée en bande dessinée, les clichés sur la France « jouent un rôle secondaire » dans le succès de la série en Allemagne.

A ses yeux, la série véhicule des « valeurs universelles » comme « la cohésion, la fraternité et la lutte contre l’injustice », mêlées à des « valeurs humaines ».

Une analyse partagée par Nicolas Rouvière pour qui Goscinny et Uderzo, le premier fils d’immigrés juifs d’Europe de l’Est et le second fils d’immigrés italiens, « ont vidé, dans leur oeuvre, les représentations nationalistes ou patriotiques de leur sérieux ».

Et même si certains ont pu, un temps, penser que ces pratiques humoristiques relevaient du cliché xénophobe, les auteurs « se moquent en fait de la tendance qu’a chaque peuple à privilégier ses valeurs et ses propres formes culturelles », précise l’universitaire.

En mettant le célèbre « Ils sont fous ces Romains » d’Obélix à toutes les sauces (helvète, bretonne ou égyptienne…), le duo a voulu montrer que l’ethnocentrisme est la chose du monde la mieux partagée.

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