20 livres à emporter avec soi cet été

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’été s’annonce et, avec lui, des plages entières de temps pour lire. Le Vif/L’Express vous fait sa sélection des 20 romans qui vous feront voyager, avec ou sans transit. Frissons, sagas et réflexions, en poche et en grand format.

By the Rivers of Babylon

Par Kei Miller, éd. Zulma, traduit de l’anglais (Jamaïque) par Nathalie Carré, 304 p. (poche)

En 1982, l’histoire débute sur ce qui, aux yeux des rastafaris de Jamaïque, constitue un vrai crime: Kaia, petit-fils de Ma Taffy, rentre de l’école avec les dreads coupés par son instituteur. Nous sommes à Augustown, quartier où la police réprime les élans et où les rêves restent au sol. L’aïeule aveugle a toutefois plus d’une histoire dans sa besace et entend bien conter l’histoire d’Alexander Bedward, prédicateur qui a cherché à relever son peuple en s’envolant. Entre poésie et histoire alternative, Kei Miller redonne une voix aux laissés-pour-compte et à ceux trop vite déclarés fous. A. R.

20 livres à emporter avec soi cet été

Carnets

Par Goliarda Sapienza, éd. Tripode, traduit de l’italien par Nathalie Castagné, 480 p. (grand format)

Nous sommes en 1976 en Sicile. Goliarda Sapienza (1924 – 1996) vient de mettre un point final à ce qui sera son chef-d’oeuvre posthume, le monumental L’Art de la joie. Epuisée par les années d’écriture que lui aura coûté ce roman d’apprentissage sombre et solaire, elle entame la tenue de carnets quotidiens pour ne pas sombrer dans la dépression. Sapienza y consignera ses pensées jusqu’à sa mort, emplissant près de 8.000 pages, dont la présente édition propose un florilège. Où l’on pénètre sur vingt ans l’intimité d’une femme anarchiste et passionnée, révoltée, endolorie et sensuelle. « Qu’est-ce que la vie, si tu ne t’arrêtes pas un instant pour la repenser? » Le compagnon rêvé d’un voyage en Italie… Y. P.

20 livres à emporter avec soi cet été

D’os et de lumière

De Mike McCormack, éd. Grasset, traduit de l’anglais (Irlande) par Nicolas Richard, 352 p. (grand format)

Epoux et père dans le comté de Mayo, Marcus Conway a exercé comme ingénieur en génie civil. Des écoles, des éclairages publics et des routes se sont construits sous sa garde et, chaque jour, il a tenté d’être éthique. Peut-on en dire autant de tous? Une contamination d’eau pourrait bien faire vaciller son existence patiemment construite… D’os et de lumière transcende la micro-échelle pour nous interroger sur l’obsolescence de l’univers et la place de l’humain dans son environnement. Si une forme un peu atypique pour une lecture d’été ne vous fait pas peur, préparez-vous à être ébloui par ce récit confessionnel en flux continu et bousculant. A. R.

20 livres à emporter avec soi cet été

Des hommes en noir

Par Santiago Gamboa, éd. Métailié. Traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry, 364 p. (grand format)

Pour un dépaysement garanti sans frais de bagage supplémentaire, le Colombien Santiago Gamboa est une valeur sûre. Lui qui resta exilé plus de trente ans loin de son pays y est revenu pour le scruter de près, sans fard ni tabou mais avec beaucoup d’humour et de verve. Son dernier polar nous emmène dans les montagnes colombiennes et dans les pas d’une reporter et d’une ancienne guerillera des FARC, elles-mêmes sur la piste d’Eglises évangéliques pas très catholiques… Une des voix les plus puissantes de la littérature de genre sud-américaine. O. V. V.

20 livres à emporter avec soi cet été

Douces déroutes

Par Yanick Lahens, éd. Points, 192 p. (poche)

Francis est photographe et cherche une échappée à Haïti, île aussi créative qu’à la dérive. A Port-au-Prince, il croisera Ezéchiel, le poète qui ferait tout pour s’en sortir, Nerline, si engagée, ou Ronny, l’Américain qui a trouvé là son ancrage. Quant à la chanteuse Brune, qui cherche à élucider l’assassinat de son père, le juge Raymond Berthier, quelles exactions va-t-elle déterrer? Yanick Lahens, prix Femina en 2014 (Bain de Lune) et en charge de la chaire Mondes francophones du Collège de France, nous donne à lire des personnages assoiffés de justice dans une langue fiévreuse. A. R.

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Ellis Island

Par Georges Perec, éd. P.O.L., 80 p. (poche)

En 1978, Georges Perec se rend sur Ellis Island dans le but de réaliser un documentaire télé sur cette île de quatorze hectares au large de Manhattan, lieu de symbole et de souvenir des seize millions de personnes dont ce fut la porte d’entrée sur le sol américain au début du XXe siècle. L’auteur de La Vie mode d’emploi en tirera un petit texte très court, au pouvoir évocateur bouleversant, aujourd’hui réédité en poche. On y trouve, contenues dans des mots épars, quelques-unes des traces laissées derrière eux par ces migrants d’une autre époque, et le murmure d’une multitude d’histoires d’errances et d’espoirs entre Vieille Europe et Nouveau Monde. Indispensable. Y. P.

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L’Empreinte

Par Alexandria Marzano-Lesnevich, éd. Sonatine, traduit de l’anglais (USA) par Eloïse Esquié, 480 p. (grand format)

Brillante étudiante en droit à Harvard, Alexandria Marzano-Lesnevich voit ses convictions vaciller face au cas de Ricky Langley, condamné à mort pour l’abus et le meurtre d’un petit garçon de six ans. A la manière de Truman Capote, la jeune avocate se lance alors dans la reconstitution des faits sordides qui ont marqué une petite ville de Louisiane en 1992. Haletant, le thriller judiciaire l’amène aussi à investiguer son propre passé et les traumas enfouis par sa famille. Politique et intime, L’Empreinte est une enquête dérangeante et bouleversante, s’arrimant aux mystères les plus sombres de l’humain sans jamais de simplisme. Un grand texte sur le pardon et la culpabilité. Y. P.

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La Fonte des glaces

Par Joël Baqué, éd. Folio, 288 p. (poche)

Après l’achat d’un manchot empereur sur une brocante, Louis, charcutier à la retraite, trouve un but à son existence. Transporté au pôle Sud entre un Inuit mutique, des biscuits militaires d’un genre spécial et un glaçon préhistorique, Louis devient malgré lui une icône de la cause écologique. L’épopée placide et drolatique montre tout le talent poétique et dégourdi de Joël Baqué, où les fulgurances le disputent à un flegme à toute épreuve. Tout est prétexte à affûter le regard, sans parler de la Clinencourt électrique, trois vitesses et tout alu, à côté de laquelle Baqué siège, impérial. Régalade! F. DE.

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La Loterie

Par Shirley Jackson, éd. Rivages, traduit de l’anglais (USA) par Fabienne Duvigneau, 250 p. (grand format)

Friand d’histoires courtes? Plongez dans cette réédition des meilleures nouvelles de Shirley Jackson, la reine américaine du suspense psychologique. Paru en 1949, le recueil rassemble treize histoires impitoyables, macabres et perturbantes. Des rues de New York au petit monde rural de La Nouvelle-Angleterre, d’insidieux glissements viennent y pervertir l’équilibre apparemment charmant des relations sociales. Pulsions meurtrières, cruauté gratuite, hypocrisie ou vengeances masquées: une interrogation addictive sur le mal, qui commence parfois par une matinée d’été radieux, ou sur une conversation entre voisins chez l’épicier. Jouissif. Y. P.

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Le Fossé

Par Herman Koch, éd. Belfond, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, 302 p. (grand format)

Le maire d’Amsterdam avait tout pour lui, du respect de ses administrés jusqu’à l’amour d’une épouse et d’une fille. Puis, patatras, Herman Kock passe par là et envoie le tout au tapis. Avec l’humour et la férocité qui est la sienne depuis Le Dîner, premier de ses romans à avoir été traduit en français, le romancier néerlandais plante un nouveau bacille bien vénéneux sur ses contemporains, entre La Jalousie de Chabrol et Le Bûcher des vanités de Tom Wolfe, l’accent batave en plus. O. V. V.

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Le Monde selon Barney

Par Mordecai Richler, éd. Points, traduit de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, 608 p. (poche)

Mordecai Richler n’a pas son pareil pour donner vie à des loosers patentés mais pétulants. Ecrit à la fin de sa vie, Le Monde selon Barney nous donne à lire les 1001 déboires de Barney Panofsky, écrivaillon fils d’émigrants juifs débarqués à Montréal, empêtré jusqu’au cou dans les ennuis. Entre les trois femmes de sa vie (dont Miriam qu’il veut récupérer) et Terry McIver (ennemi juré et auteur à succès) qui l’accuse d’homicides, notre antihéros dézingue de ses mots l’humanité entière. Un roman dodu aussi vitriolé que réjouissant. A. R.

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Les Bonnes Gens

Par Laird Hunt, éd. Babel, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne-Laure Tissut, 256 p.

Au crépuscule de sa vie, une femme blanche raconte les événements qui se produisirent au milieu du XIXe siècle dans la ferme isolée du Kentucky où, à peine sortie de l’adolescence, elle vécut avec son mari, Linus Lancaster. L’un et l’autre infligeront en toute impunité les pires atrocités à leurs deux esclaves noires, jusqu’au jour où Linus est assassiné, et que les deux domestiques se vengent sur sa veuve. Dans un style dépouillé et hallucinatoire, l’auteur de Neverhome interroge les ressorts d’un système raciste entretenant insidieusement le cycle de la violence. « La haine ne rend que la haine », écrit Laird Hunt. Percutant. L. R.

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Nid de vipères

Par Andrea Camilleri, éd. Pocket, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, 264 p. (poche)

Andrea Camilleri est tellement productif qu’on oublie parfois de le citer dans les incontournables estivaux. On aurait tort: le ton tout sicilien de son commissaire Montalbano se marie évidemment parfaitement avec le chant des criquets et les clapotis de piscine. Alors que La Pyramide de boue paraît en grand format, voilà que Nid de vipères revient en poche, avec une de ses enquêtes les plus savoureuses (comme les plats qu’il ingurgite en permanence): le récit d’un homme tué deux fois, d’abord empoisonné, puis abattu! O. V. V.

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Patricia

Par Geneviève Damas, éd. Folio, 144 p. (poche)

Dans un hôtel des chutes du Niagara, Patricia Couturier, touriste parisienne, tombe amoureuse d’un Centrafricain sans papiers. Reste qu’entre elle et Jean Itirimbi, au-delà du désir, il y a quantité de barrières légales et sa famille à lui, dont il n’a rien dit jusque-là. Sa femme et ses filles sont en mer pour le rejoindre. En trois monologues poignants (de Jean à Patricia, de Patricia à Vanessa et de Vanessa à Patricia), l’auteure bruxelloise (après du temps passé à Lampedusa) tisse un roman où l’humanité s’insère dans les brèches des migrations et où toutes les nuances sont possibles. A. R.

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Paysage perdu

Par Joyce Carol Oates, éd. Points, traduit de l’anglais (USA) par Claude Seban, 456 p. (poche)

Comment devient-on Joyce Carol Oates? Avant de signer avec une régularité affolante des romans épais fouillant comme personne la psyché américaine, l’auteure de Blonde et de Les Chutes a été cette petite fille de fermiers pauvres de l’Etat de New York dans les années 1940. Evocation de ses parents aimants, de sa soeur handicapée, de ses grands-parents hongrois, de la lecture déterminante d’Alice au pays des merveilles, et de l’école: Oates revient dans une série de textes libres sur le décor de son enfance et ses premières occasions de fiction. Un autoportrait idéalement amendé par le temps et la mémoire. Nous portons tous en nous des paysages perdus… Y. P.

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Quelle n’est pas ma joie

De Jens Christian Grøndahl, éd. Folio, traduit du danois par Alain Gnaedig, 144 p. (poche)

« Voilà, ton mari est mort lui aussi, Anna. Ton mari, notre mari. » C’est par cette adresse surprenante que débute la lettre d’Ellinor à sa meilleure amie. Anna et Hennig (le premier mari d’Ellinor) sont décédés il y a longtemps dans un accident dans les Dolomites et les survivants les ont découverts amants. Désormais veufs, Ellinor et Georg ont comblé ensemble la perte et cette double trahison. Dans ce roman court mais dense émotionnellement, le Danois Jens Christian Grøndahl nous donne à lire ces choix de raison qui érodent la colère avec une finesse psychologique remarquable. A. R.

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Tour d’horizon

De Kathleen Jamie, éd. La Baconnière, traduit de l’anglais (Ecosse) par Ghislain Bareau, 244 p. (grand format)

Attention, merveille! Poétesse et essayiste, Kathleen Jamie se joue de la forme pour proposer quatorze micro-textes d’observation naturaliste très personnels, fins, et non dénués d’humour. Que vous soyez sujet à l’appel du large, fasciné par les oiseaux (dont les fous de Bassan) ou les squelettes majestueux des baleines ou même attiré par le Grand Nord, ce livre est fait pour vous. Pour tous les autres, un vrai regard incarné posé sur la passerelle fragile entre l’humain et son environnement devrait suffire à convaincre. A. R.

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Trois filles d’Eve

D’Elif Shafak, éd. J’ai Lu, traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet, 576 p. (poche)

Dans ce nouveau roman, la Turque Elif Shafak confronte sa narratrice Peri, mariée à un promoteur immobilier, à ce qu’était sa vie lors de ses études lorsqu’elle fréquentait Shirin, Iranienne au caractère libre, et Mona, musulmane et féministe. Quelle peut être la place des femmes dans la Turquie d’aujourd’hui? Où trouver sa place entre émancipation et tradition? Comment s’échapper des fanatismes religieux ou consuméristes? Voilà autant de points d’ancrage de cette fresque acide et engagée à propos d’un pays qui ne cesse de questionner. A. R.

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Trois jours chez ma tante

Par Yves Ravey, éd. Minuit double, 160 p. (poche)

Après vingt ans d’absence, Marcello Martini est convoqué par sa tante. La vieille fortunée, qui finit ses jours en maison de retraite, lui annonce qu’elle le déshérite (« elle avait soi-disant tant de choses à me reprocher »). Le neveu a trois jours pour faire revirer le cours des choses… Une ex-femme, une fille en quête de père, un triangle amoureux, un avocat véreux, un narrateur à la maladresse désarmante sauf quand il s’agit de se vautrer dans les mauvais coups: comme d’habitude, l’ami de Jean Echenoz jongle entre banalité menteuse et ironie postmoderne. Le scénario est impeccable; la manigance textuelle parfaite. Y. P.

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Tuff

Par Paul Beatty, éd. 10/18, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru, 408 p.

Aussi complexe et insaisissable que la mosaïque démographique du Spanish Harlem où il a établi son QG, Winston Foshay, « Tuffy » pour les intimes, échappe aux étiquettes. Un peu gangsta, un peu poète, un peu arnaqueur, un peu provocateur, un peu cinéphile (il admire… Ozu), un peu père aussi, ce colosse ressemble au samouraï du Ghost Dog de Jarmusch mais un samouraï qui aurait choisi la compagnie et les plaisirs charnels plutôt que la solitude et l’ascétisme. Avec sa bande, il tient le pavé et rend la justice à sa manière. Humour, irrévérence et tchatche épicée d’argot dynamitent un récit foisonnant qui avance sans but, sinon de dresser une cartographie impressionniste de cet aquarium urbain. Boyz ‘n the Hood! L. R.

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